Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/212

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de ce lac est fort basse sur les bords du côté du sud, où nous fûmes, mais on dit qu'elle est fort profonde vers le milieu du lac ; il n'y paraît ni roseaux, ni joncs, ni herbes, le fond est de sable ; on y voyait quantité de cygnes, d'oies sauvages, de canards, et d'autres sortes d'oiseaux aquatiques ; ce lac est si poissonneux, qu'en trois coups d'un grand filet que l'empereur avait donné à nos ambassadeurs pour se divertir à la pêche, nous prîmes sans aucune exagération, plus de vingt mille poissons, tous de la même sorte, de toutes grandeurs au dessous d'un pied, car je n'en vis point qui passât cette grandeur. Ce poisson a l'écaille de la carpe, mais il est beaucoup plus maigre ; quoiqu'il y eût plus de cinquante ou soixante personnes qui traînassent le filet, ils avaient bien de la peine à l'amener sur le bord, qui devint tout noir de ces poissons ; les uns les piquaient avec une espèce de fourchette à plusieurs dents, faites exprès pour cela, la plupart les prenaient avec la main. Il y avait encore un autre filet beaucoup moindre, appartenant à So san laoyé, avec lequel on en prit à proportion du grand. Je crois qu'en trois coups de ces deux filets, on prit au moins trente mille poissons. Il y en eut suffisamment pour contenter six ou sept mille personnes qui composaient la suite de nos ambassadeurs, et on ne cessa de pêcher que lorsqu'il n'y eut plus personne qui voulût ou qui pût s'en charger, quoiqu'une multitude prodigieuse de gens du camp fusse accourus, les uns avec des sacs, d'autres avec des charrettes, quelques-uns avec des chameaux, plusieurs avec des chevaux, pour en faire leur provision et la porter au camp. Ce qu'il y a de surprenant, c’est que l'on ne pêcha pas à plus de deux pieds et demi d'eau de profondeur. Il n'y a nul doute que dans les lieux ou l'eau est profonde, on n'en trouve beaucoup davantage, et de très grand, car à mesure qu'on avança plus loin dans le lac, on y trouva le poisson plus gros et en plus grande quantité. Ils étaient tous d'une même espèce. J'en vis deux qui avaient sur les ouïes une espèce de loupe, semblable à un amas d'œufs de poisson ; il n'y eut personne qui n'avouât que jamais il n'avait entendu parler d'une pêche si prodigieuse. Le temps fut froid le matin, et fort serein tout le jour presque sans vent. Le 28 nous fîmes cinquante-trois lys droit au nord-est, prenant tant soit peu plus de l'est, toujours dans une plaine extrêmement unie, dont la terre est sablonneuse et assez sèche ; nous passâmes deux fois une petite rivière qui a son cours au nord-est, vers le sud-ouest, et qui va se décharger dans le lac de Taal Nor, à ce qu'on m'assura ; nous vînmes camper sur les bords d'une autre petite rivière nommée Courcouri, qui a son cours du nord vers le sud, et du nord-est vers le sud-ouest, en serpentant extrêmement dans la plaine ; cette rivière avait fort peu d'eau, et était guéable partout ; l'eau en est claire et bonne à boire, son fond est de sable, elle coule entre de belles prairies pleines des meilleurs fourrages, de sorte que