Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/244

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au-delà de la rivière d'Ergoné qu'absolument nous ne voulons pas perdre ; vos ambassadeurs eux-mêmes n'ont demandé que Yacsa. Cette réponse nous obligea de retourner encore vers nos ambassadeurs, afin de savoir leur sentiment, sans quoi nous ne pouvions tirer une réponse positive des plénipotentiaires moscovites. Il plut ce jour-là presque tout le jour, et la rivière grossie de ces pluies, déborda et inonda presque tout notre camp. Le 27 nos ambassadeurs ayant consenti que les Moscovites démolissent les maisons qu'ils avaient bâties à l'orient de la rivière d'Ergoné, et qu'ils les transportassent au-delà à l'occident, nous allâmes dès le matin porter cette dernière résolution aux plénipotentiaires moscovites, et leur demander positivement la leur ; après que nous leur eûmes bien expliqué l'intention de nos ambassadeurs, ils nous répondirent qu'ils allaient aussi de leur côté marquer sur leur carte les bornes qu'ils prétendaient mettre entre les deux empires, et qu'au reste c'était leurs dernières résolutions, dont ils ne se départiraient jamais, et qu'ils ne céderaient pas un pouce de terre au-delà. Après cet exorde, le chef des plénipotentiaires nous marqua ces bornes un peu au-delà d'Yacsa, en sorte que cette place et tout ce qui est à son occident leur demeurerait ; aussitôt que nous les eûmes entendus, nous nous levâmes pour nous retirer, en leur reprochant qu'ils avaient abusé de notre bonne foi, puisque leur ayant déclaré fort nettement, que s'ils n'étaient pas dans la résolution de céder Yacsa et les terres des environs, il n'était pas besoin de traiter davantage, ce qu'ils n'avaient pas laissé de faire ; et qu'ils avaient amusé nos ambassadeurs, en leur faisant espérer qu'ils leur céderaient cette place ; qu'il était maintenant difficile qu'on pût se fier à eux, ni continuer les négociations. Nous revînmes incontinent porter cette réponse ; nos tagin l'ayant entendue, tinrent aussitôt conseil, où ils firent entrer tous les officiers de guerre, généraux et particuliers. Il fut résolu dans ce conseil général, que nous passerions tous la rivière, et que postant nos troupes de telle manière que la forteresse de Niptchou demeurât comme bloquée, on ramasserait tous les Tartares qui, mécontents de la rigueur avec laquelle les Moscovites les traitaient, cherchaient à secouer leur joug, et à passer dans le parti de l'empereur. On donna donc les ordres pour faire passer nos troupes cette nuit-là même de l'autre côté de la rivière, et on envoya en diligence cent hommes sur des barques vers Yacsa, afin que se joignant à quatre ou cinq cents hommes qu'on avait laissés près de cette place, ils coupassent toutes les moissons, et ne laissassent plus rien entrer dans la forteresse. Les Moscovites s'étant aperçus que tout notre camp était en mouvement, jugèrent bien qu'il n'y avait pas à espérer qu'on consentît à leur proposition ; c’est pourquoi ils envoyèrent leur interprète ce soir-là même, pour essayer de renouer la négociation, sous prétexte de venir faire des protestations, qu'ils avaient toujours une sincère intention de travailler à la paix, et