Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/250

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Ce papier était une protestation fort bien faite et fort éloquente, que les plénipotentiaires faisaient à nos ambassadeurs de la sincérité avec laquelle ils avaient procédé dans cette négociation ; l'intention qu'ils avaient témoignée de conclure la paix, en cédant tout ce qu'ils pouvaient ; qu'au reste comme on leur demandait des pays auxquels on n'avait jamais marqué avoir de prétention dans toutes les lettres qu'on avait écrites à leur empereur ou à ses ministres de la part de l'empereur de la Chine, ils prenaient Dieu à témoin qu'ils n'avaient aucun pouvoir, non seulement de disposer, mais même de traiter de ces pays, qu'ainsi ils ne pouvaient en aucune manière écouter une pareille proposition ; mais que pour faire voir encore davantage la sincérité de leur inclination à la paix, ils étaient prêts de consentir qu'on laissât ces terres en neutralité pour en traiter dans la suite, quand on aurait pris sur cela les instructions et les ordres nécessaires ; que si nos ambassadeurs persistaient dans leur demande, ils protestaient à la face du ciel et de la terre, qu'ils ne seraient point responsables des maux que causerait une guerre à laquelle ils s'efforçaient de mettre fin, ni du sang qui s'y répandrait ; que de leur part ils étaient résolus à ne point attaquer nos gens, quand bien même la paix ne se conclurait pas ; mais qu'ils se défendraient de leur mieux s'ils étaient attaqués, et qu'ils comptaient sur la protection de Dieu, qui connaissait la droiture de leurs intentions. Cette protestation écrite en latin, et dont nous expliquâmes le sens, fit sur nos ambassadeurs tout l'effet que les Moscovites eussent pu désirer. Ils étaient déjà fort ébranlés, comme je l'ai fait remarquer ; ainsi ils répondirent avec douceur qu'ils avaient aussi bien que les Moscovites la plus forte inclination pour la paix, à laquelle ils voulaient apporter de leur part toutes les facilités imaginables ; mais que comme il se faisait tard, ils se réservaient à nous envoyer le lendemain pour faire savoir leurs intentions aux plénipotentiaires moscovites. Le temps fut encore serein et tempéré tout le jour.

Le 3 nous allâmes porter cet article des limites modifié, de telle sorte que les plénipotentiaires moscovites en demeurèrent satisfaits ; on convint que l'article qui concerne la partie des terres qui est entre ces deux chaînes de montagnes demeurerait indécis, jusqu'à ce qu'on en eût informé les deux empereurs, et connu leur résolution. En allant à la bourgade de Niptchou nous trouvâmes que les Moscovites l'avaient fortifiée, en l'environnant d'une espèce d'estacade formée des poutres dont ils avaient fait les jangades, sur lesquelles le train des plénipotentiaires était venu ; cette estacade était principalement faite pour empêcher les Tartares d'entrer à cheval dans la bourgade. Le temps fut serein et tempéré tout le jour. Le 4 les plénipotentiaires moscovites envoyèrent le projet des articles de paix, selon qu'ils l'avaient conçu ; on convint presque de tout ; nous en prîmes une copie que nous traduisîmes toute la nuit ; mais auparavant nous allâmes encore demander un éclaircissement sur quelques difficultés que nos ambassadeurs ne voulaient pas passer. La principale consistait en ce que les Moscovites voulaient