Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que les montagnes qui sont à la source du Kerbetchi, forment deux chaînes de hautes roches, dont les unes s'étendent presque droit à l'est, et courent à peu près en ligne parallèle au fleuve Onon ou Saghalien oula, et c'était celles-là que les Moscovites prétendaient devoir faire les limites des deux empires. L'autre chaîne s'étend au nord-est, et c'était celle où nos gens voulaient établir les bornes de leur empire. Or entre ces deux chaînes de montagnes, il y a une vaste étendue de pays, et plusieurs rivières, dont la principale est appelée Oudi sur les bords de laquelle les Moscovites ont plusieurs colonies ; c'est en ces endroits que se trouvent les plus précieuses zibelines, les renards noirs, et autres fourrures. C'est aussi au bord de la mer qui est entre ces deux montagnes, qu'ils pêchent ces grands poissons, dont les dents sont plus belles et plus dures que l'ivoire, et dont les Tartares font un grand cas ; ils en forment des anneaux qu'ils mettent au pouce droit, pour ne se pas blesser en tirant de l'arc. Nos ambassadeurs répondirent, qu'ils prétendaient que ce serait la chaîne de montagnes nommée Nossé, qui marquerait les bornes ; sur quoi les députés moscovites se retirèrent, nous disant, qu'ils ne croyaient pas que leurs plénipotentiaires y donnassent jamais leur consentement. Le 2 les Moscovites n'envoyant point de nouvelles, nos ambassadeurs se trouvèrent embarrassés, et virent bien que pour vouloir plus qu'ils n'avaient ordre de demander, ils se mettaient en risque de rompre la négociation, et de ne rien conclure. Ils tinrent conseil, et nous y appelèrent. Nous leur répondîmes nettement que sans nous mêler de cette affaire, et sans leur donner aucun avis, nous ne croyions pas que les Moscovites leur accordassent ce qu'ils avaient demandé, vu qu'on n'avait point du tout fait mention de ce Nossé, quand on était convenu des bornes des deux empires ; et nous ajoutâmes qu'ils ne savaient peut-être pas quelle étendue de pays il y avait jusqu'à cette montagne de Nossé ; ils furent fort surpris lorsque nous leur apprîmes qu'il y avait plus de mille lieues en droiture depuis Peking jusqu'à ces montagnes de Nossé, ce qui est très vrai selon la carte des Moscovites que nous avions vue ; car ces montagnes y sont marquées dans le lieu où elles entrent dans la mer presqu'au 80e degré de latitude septentrionale. Cela leur fit prendre le parti de nous demander si nous voulions bien aller vers ces plénipotentiaires, pour tâcher de renouer la négociation, et de faire en sorte que cette étendue de pays se partageât entre les deux couronnes ; ce qu'il y avait de désagréable, c'est qu'ils prétendaient qu'anciennement ces terres leur avaient toutes appartenues, et ils le disaient d'un ton à faire croire qu'ils en étaient persuadés. Comme on était sur le point de nous faire partir, on vint avertir nos ambassadeurs, qu'il venait un cavalier moscovite accompagné de quelques Tartares, qui apportait un papier. Cela fit surseoir notre départ, jusqu'à ce qu'on eût vu de quoi il s'agissait.