Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/256

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image du Dieu des chrétiens, et de l'adorer en se prosternant jusqu'à terre selon leur coutume, et ensuite de brûler ladite formule signée de leur main, et cachetée du sceau des troupes de l'empereur ; mais les Moscovites à qui nous proposâmes la chose de la part de nos ambassadeurs, craignant peut-être qu'il ne s'y glissât quelque superstition, ou du moins ne voulant pas s'astreindre à d'autres coutumes qu'aux leurs, dirent que chacun jurerait à sa manière. Cela fut cause que nos ambassadeurs laissant là leur formule, se contentèrent de faire le même jurement que les Moscovites. La paix étant ainsi jurée, on fit les échanges ; le chef des Moscovites donna les deux exemplaires qu'il avait préparés au chef de nos ambassadeurs, et celui-ci lui donna en même temps les deux nôtres ; après quoi ils s'embrassèrent l'un l'autre au bruit des trompettes, des timbales, des hautbois, des tambours et des fifres. Le chef des plénipotentiaires moscovites fit ensuite servir la collation à nos ambassadeurs ; elle consistait en deux sortes de confitures, l'une d'écorce de limon, et l'autre d'une espèce de gelée ou cotignac avec du sucre fort blanc et fort fin, et deux ou trois sortes de vins ; on s'entretint ainsi jusqu'à une heure de nuit fermée, et on passa le temps à se faire des civilités réciproques sur l'amitié qu'ils venaient d'établir entre les deux Empires. On convint que l'on ferait incessamment partir des gens de part et d'autre pour Yacsa, afin d'y publier la paix, et d'exécuter l'article par lequel il avait été conclu, que cette forteresse serait démolie, et que les habitants seraient transportés avec tous leurs effets jusque sur les terres des grands ducs de Moscovie ; qu'on en enverrait de même vers la peuplade bâtie à l'orient de la rivière d'Ergoné, pour en faire aussi démolir les maisons, et les transporter de l'autre côté de la rivière. Le chef des plénipotentiaires fit élargir à notre prière deux Tartares de Solon, qui étaient depuis longtemps prisonniers dans la forteresse de Niptchou, et il pria nos ambassadeurs de vouloir bien demeurer encore quelques jours dans leur camp avant que de partir, afin qu'ils se pussent voir, s'entretenir, et goûter les fruits de l'amitié qu'ils venaient de contracter ; nos ambassadeurs lui accordèrent encore un jour, après quoi on se sépara, et chacun monta à cheval. Les plénipotentiaires moscovites accompagnèrent nos ambassadeurs jusqu'à l'extrémité de la bourgade, et les firent ensuite reconduire aux flambeaux jusque sur le bord de la rivière, où nos barques nous attendaient. Après que nous eûmes passé la rivière, nous fûmes obligés d'attendre à l'autre bord assez longtemps, jusqu'à ce que tout le monde et une partie de nos chevaux fussent aussi passés ; ce qui ne se fit qu'avec bien du temps et beaucoup de peine, parce qu'il était nuit, et qu'il fallait faire passer les chevaux à la nage. Enfin nous ne nous rendîmes à notre camp qui était à deux lieues au-dessus de Niptchou qu'après minuit, extrêmement lassés et fatigués, moi particulièrement