Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/349

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

remarqué ; ensuite on lâcha plusieurs chiens, et on fit rouler des pierres, ce qui l'obligea à la fin de sortir de son fort ; mais il n'avança que quelques pas, et se retira dans une caverne voisine ; les chiens et les coups d'arquebuses qu'on y tira, l'en firent sortir, et s'étant montré à découvert, l'empereur le tua d'un seul coup d'arquebuse. Il alla ensuite chercher l'autre qui n'était pas fort éloigné ; la montagne, sur le penchant de laquelle il était, étant fort escarpée, on eut beaucoup de peine à le trouver ; il fallut prendre un grand détour pour grimper la montagne ; d'ailleurs ni les chiens qu'on lâcha, ni les pierres qu'on fit rouler ne purent l'ébranler, ce qui fit croire qu'il s'était retiré quelqu'autre part, et qu'il avait dérobé sa marche à ceux qui l'observaient du haut de la montagne. Cependant l'empereur ayant donné ordre à tous les piqueurs de descendre la montagne en roulant des pierres, et fouillant dans les broussailles avec leurs demie-piques, lui-même étant descendu avec une partie de ses piqueurs, enfin le tigre sortit d'un petit fort de broussailles où il s'était caché ; comme il était à la portée du mousquet, l'empereur le tira et le blessa, ce qui ne l'empêcha pas de traverser le penchant de cette montagne, et de se retirer de l'autre côté ; il y fut vivement poursuivi. Le fils aîné de l'empereur qui arriva le premier, lui tira un second coup de mousquet, et les piqueurs s'étant approchés de lui, l'un d'eux l'acheva d'un coup de demie-pique qu'il lui enfonça dans l'œil, et lui fit entrer bien avant dans la tête ; c'était une tigresse à peu près de la même grandeur que le tigre que Sa Majesté venait de tuer de l'autre côté. Cette chasse finie, l'empereur s'embarqua sur un petit canot, et ses deux fils chacun sur un autre, qu'on avait préparés sur la rivière. Le dessein de Sa Majesté était d'éviter la chaleur, qui eût été grande ce jour-là, si elle n'avait été tempérée par le vent de nord ; cependant il ne fit pas plus de quinze lys sur ce canot ; toute sa suite marchait sur les bords de la rivière, qui serpente le long de ces vallées, et dont le cours est fort rapide. L'empereur ayant fait quinze lys sur cette rivière, remonta à cheval pour aller chasser un autre tigre, qu'on avait découvert près du lieu où nous devions camper ; comme il s'était caché dans un bouquet de bois fort épais, et attenant le grand chemin par où tout l'équipage avait passé, il y a de l'apparence qu'il s'était retiré ailleurs sans qu'on s'en fût aperçu ; car quelque soin qu'on prît de bien battre cet endroit, on ne vit aucun vestige du tigre. L'empereur fut donc obligé d'abandonner cette chasse, pour aller camper en une vallée nommée Ta hoam ki, sur le bord de la rivière qu'on appelle Tchikir. Nous fîmes ce jour-là 60 lys au sud, en prenant un peu de l'est. Le 9 nous fîmes encore 60 lys à la même route. L'empereur les fit partie en barque, et partie à cheval, toujours en chassant ; mais le gibier commençait à être plus rare ; il tua pourtant encore quelques cerfs et quelques chevreuils. Le soir l'empereur donna la comédie aux seigneurs de sa cour, de la même manière qu'il avait fait deux jours auparavant, et il voulut que j'y assistasse, afin de lui dire s'il y avait quelque rapport entre leur comédie et