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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

Aussitôt cette sinistre entrée franchie, voici le marché ou plutôt l’un des marchés de Tombouctou, celui que l’on me dit être le plus grand. J’espère donc que la décevante image des ruines va s’effacer sans retard.

L’emplacement assurément ne laisse pas d’être spacieux. Mais ça, le grand marché de la grande Tombouctou ? Des femmes qui, devant de petits paniers, de petites calebasses, de petites nattes rondes, vendent de ces infimes petites choses, rouges, vertes, blanches, fauves, noires, épices ou légumes, pour d’infiniment petites sommes en coquillages, comme sur n’importe quel petit marché de n’importe quel petit village du Soudan ! Ça, le commerce universel de Tombouctou ? Si je songe seulement au marché de Dienné, c’est la chose la plus misérable du monde. Moi qui comptais trouver ici un pendant à nos grandes foires de jadis ou à celle de la Nini-Novgorod d’aujourd’hui ! Moi qui m’attendais à voir en amoncellements les produits de l’Afrique arabe et de l’Europe en face des productions de l’Afrique nègre !

Et au lieu de dissiper la vision des ruines premières, ce spectacle l’y grave plus profondément. Que se passe-t-il ici ? Que s’est-il passé ? se demande-t-on déconcerté, ahuri.

Autour du marché, cependant, les maisons ont l’air d’être encore debout et habitées. Vraiment ! Hélas ! mes belles demeures de Dienné, que vous voilà loin ! Où sont vos silhouettes hautes, harmonieuses, imposantes ? Vous m’apparaissez comme des monuments, maintenant. C’est ici la maison quelconque, cubique, sans caractère, sans élévation, sans allure : quatre murs et un toit plat. Encore si, dans leur médiocrité, ces maisons étaient propres et engageantes. Mais leurs murs de briques crues s’en vont émiettés, lézardés, effrités, sous les efforts combinés de la pluie, du vent et du soleil. On voit que depuis longtemps on a cessé tout entretien. Il semble qu’elles aient été désertées des années durant,