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TOMBOUCTOU

matériaux insuffisants. Mais des huttes en paille ! Peu nombreuses, il est vrai, mais en pleine ville !

Puis, de nouveau, plusieurs îlots sains, à maisons hautes, à portes bardées et closes ; puis des effondrements, de nouveau. L’un d’eux arrête. Encore que les murs soient ajourés comme une dentelle et laissent pendre lamentablement des débris de plafond et de toiture, le vaste ensemble de ces ruines décèle une habitation d’importance. Un édifice public peut-être ? J’interroge. Effectivement, ce n’était pas une demeure quelconque. Là habitait un homme qui fut un jour connu de l’Europe et du monde entier, pour lequel la reine d’Angleterre se mit en frais de correspondance, un homme dont les savants et les explorateurs de tous pays gardent solidairement un pieux souvenir ; là habitait l’hôte et le protecteur de Barth : Cheik el Backay. Des murs croulants ayant le ciel pour plafond : voilà ce qui reste de la demeure de cet homme riche et puissant. Dans la cour de la maison poussent de petits cotonniers et, dans un réduit, végète la famille d’un de ses serviteurs : voilà ce qui reste de la vie brillante qui longtemps s’y déroula.

Et, d’une extrémité à l’autre de la ville, c’est toujours le même spectacle : des rues malades, des rues mourantes et des rues mortes, au milieu desquelles on enfonce dans le sable mouvant comme en plein Sahara ; de hautes demeures qu’en désespoir de cause on se résout à trouver très bien ; des maisons basses, plus nombreuses, qui se classifient médiocres et des huttes alternant avec des ruines désertes et des terrains vagues. Pas une maison de dehors avenants, entretenue, intacte. Une cité en déliquescence, telle est intérieurement cette ville que le soleil, ce terrible illusionniste, vous avait montrée si majestueusement grande au dehors, de loin…

Aurait-on été le jouet d’un mirage ? Le spectacle est si inattendu et si impressionnant, qu’il vous absorbe tout entier : on ne voit pas la vie ni le mouvement qui règnent dans ces