Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/148

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en changeant, comme ils le firent, la forme ancienne de l’administration de l’état, et le service des troupes, n’ayent pensé que les révoltes des armées étoient encore plus à craindre que les invasions des barbares, et que si l’empire avoit à être détruit, sa ruine seroit l’ouvrage de ses ennemis domestiques, et non pas de ses ennemis étrangers.

Il en est des monarchies ainsi que du corps humain : comme on y apperçoit presque toujours dès qu’il commence à vieillir, et souvent même plûtôt, quelle est celle de ses parties nobles qui péche davantage, et dont il a le plus à craindre, de même il n’y a gueres de monarchie où l’on n’apperçoive, dès qu’elle a duré quelques siécles, un vice de conformation, qui est la principale cause des maladies qui lui surviennent, et qui la menacent souvent d’une destruction prochaine. Dans un Etat, ce vice de conformation est la pente naturelle du peuple à la fainéantise, et son aversion pour l’exercice des arts et des métiers les plus nécessaires à la societé. Dans un autre, c’est la prévention où sont les principaux sujets, que la plus noble des distinctions est celle d’exempter ses biens de toutes les contributions qui se levent pour subvenir aux charges publiques. Dans un troisiéme, c’est la légereté d’esprit des sujets qui fait que ceux-mêmes qui sont obligés de faire exécuter les loix, se laissent tellement frapper par les inconvéniens qui naissent quelquefois de l’exécution des meilleures, qu’ils mettent presque toujours en déliberation si la loi dont il s’agit sera executée ou non, et qu’ils osent faire souvent la fonction de législateurs, au lieu de faire la leur, qui est celle de juge. Dans un quatriéme Etat, c’est que le commun des citoïens a une prévention si folle en faveur des personnes distinguées par leur naissance et par leur faste, qu’il leur obéït plus volontiers, quoiqu’elles n’ayent aucun droit de lui commander, qu’il n’obéït aux véritables dépositaires de l’autorité du souverain. Enfin, le vice de conformation d’un autre empire, c’est le dépeuplement des villes, c’est le plat païs réduit en solitude, par les précautions excessives qu’ont prises les fondateurs mêmes de cet Etat, pour empêcher que le peuple nouvellement subjugué, et qui étoit d’une autre religion que la leur, ne vint se soulever. Les révoltes des chrétiens ne sont plus à craindre, il est vrai, dans l’empire ottoman ; mais ceux qui entreprendroient de l’envahir, ne rencontreroient que sur la frontiere une rési-