Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/219

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saliens tenoient déja l’isle des Bataves que les Romains avoient possedée autrefois toute entiere. C’est de-là qu’étoient partis les Saliens, qui après avoir passé le bras méridional du Rhin, s’étoient cantonnés dans la Toxiandrie, comme le dit Ammien Marcellin, en parlant des exploits du même empereur. Suivant Monsieur Menson-Alting, cette Toxiandrie étoit à la gauche du Rhin, et s’étendoit jusqu’à la Meuse. Or l’on voit bien dans l’histoire que Julien contraignit les Francs qui s’étoient cantonnés dans la Toxiandrie, dans la terre ferme des Gaules, à en sortir, mais on ne voit point qu’il les ait chassés de l’isle des Bataves. Cette isle fait aujourd’hui la plus grande partie du territoire de la province de Hollande et une partie de celui de la province d’Utrecht, et la Toxiandrie est à peu près le Brabant.

C’étoit donc depuis l’isle des Bataves jusqu’aux environs du lieu où est à présent Francfort, que s’étendoient les habitations des Francs divisés alors en plusieurs tribus, dont chacune avoit son roi particulier, ou son chef suprême.

Un auteur moderne presque toujours malheureux dans ses conjectures, a pensé, que chaque tribu des Francs avoit deux chefs presque égaux en autorité, sçavoir un roy et un général. Son opinion est fondée sur un passage de Tacite qui dit que les Germains, et les Francs étoient un des peuples compris dans cette nation, déferoient, lorsqu’ils avoient à faire choix d’un roy, à l’illustration qui vient de la naissance, au lieu que lorsqu’ils avoient à faire choix d’un général ou d’un duc, ils n’avoient égard qu’au mérite militaire. Suivant cette opinion, l’autorité roïale étoit bien restrainte chez les Francs.

Montrons en premier lieu, que le passage de Tacite ne sçauroit signifier ce qu’on lui fait dire, et faisons voir en second lieu quel est son véritable sens.

Comment deux chefs installés également par la nation, et dont l’un par conséquent ne tiroit point son pouvoir de l’autre, auroient-ils pu s’accorder et gouverner de concert. On connoît mal le cœur humain, quand on croit cet accord possible. Les faits contredisent encore plus le sentiment que nous refutons, que le raisonnement ne le contredit. Notre histoire est remplie