Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/401

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dépouillé par notre faute la qualité de Citoyen ; c’est par notre faute qu’ils sont devenus des étrangers pour nous. Ce n’est qu’après avoir perdu tous les droits de leur premier état, qu’ils y ont renoncé pour mettre leur vie en sureté. Eh ! que fair-on aujourd’hui ? Tout ce qu’il faut, afin que les Sujets de l’Empire qui ne sont point encore Bagaudes, le deviennent bientôt. On les traite assez mal pour leur en faire venir le dessein. Leur impuissance seule les fait vivre dans l’obéissance. Il n’y a plus d’autre lien entre le Prince & ses Sujets, que les liens qui retiennent on Peuple conquis sous le joug du Vainqueur : La force d’un côté, la crainte de l’autre. Ce n’est point l’affection, c’est la nécessité qui leur fait prendre leur mal en patience. Ils désirent de secouer leur joug, & ils le feroient, si sa pesanteur ne les rendoit pas comme immobiles.

Il n’y a pas de doute que la premiere cause de tous les maux que les peuples enduroient alors dans les provinces obéissantes, ne fût l’énormité des impositions : dès qu’elles sont montées à un certain point, les contraintes qu’il convient de faire pour les lever, sont tellement odieuses, que toutes les personnes ausquelles il reste encore quelques principes de justice et quelque humanité, ne veulent plus se mêler en aucune maniere du recouvrement des deniers publics. Il faut donc le confier à des magistrats sans pudeur et à des exacteurs sans pitié, ce qui doit irriter encore un mal déja dangereux, et donner lieu ensuite à toutes les violences dont parle Salvien dans les endroits de son livre que nous avons rapportés, et dans plusieurs autres. Les Armoriques ne sçauroient avoir publié un manifeste qui les excusât mieux, que ce livre-là.

Les maux sous lesquels gémissoit le peuple dans les provinces obéissantes, lui sembloient d’autant plus insuportables, qu’il voyoit les riches consumer sa substance en vaines sumptuosités et en débauches. Si les particuliers les plus riches de l’empire se trouvoient dans les Gaules, si les plus riches des Gaules étoient en Aquitaine, c’étoit aussi dans l’Aquitaine qu’il falloit chercher les citoyens romains les plus vicieux.

Sidonius Apollinaris fait dire par le génie de la ville de Rome à Majorien, qui fut élevé à l’empire environ douze ans après que Salvien eût écrit son Livre de la Providence : « Ma Gaule