Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/489

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pour étranger dans l’autre. Les deux empires avoient les mêmes fastes, où l’on écrivoit toutes les années le nom du consul nommé par l’empereur d’Orient, et le nom du consul nommé par l’empereur d’Occident. On vivoit dans l’un et dans l’autre empire sous les mêmes loix civiles. S’il étoit à propos de publier quelque loi nouvelle, les deux empereurs la rédigeoient, et ils la publioient ordinairement de concert. Les noms des deux princes paroissoient à la tête de cette loi. Pour me servir de l’expression usitée alors, ils étoient réputés gouverner unanimement, et dans le même esprit, le monde Romain.

Dès que l’empereur d’Orient et celui d’Occident étoient regardés, non pas comme deux souverains étrangers l’un à l’égard de l’autre, mais comme deux collégues, et d’un autre côté dès que la monarchie Romaine étoit réputée, du moins par ses maîtres, pour un état patrimonial dont ils pouvoient disposer, ainsi qu’un particulier dispose de ses biens libres, il s’ensuivoit que les fonctions de celui des deux collégues, qui étoit hors d’état d’exercer les siennes, fussent regardées comme étant dévoluës de droit à l’autre. Dès qu’un collégue est hors d’état d’exercer ses fonctions, c’est à son collégue, ou bien à ses collégues, lorsqu’il en a plusieurs, qu’il appartient de les remplir. Ainsi lorsque l’un des deux trônes venoit à vaquer, parce que le dernier installé étoit mort sans successeur désigné, il semble que ce fût au prince qui remplissoit l’autre à pourvoir aux besoins du trône vacant, et à le remplir, soit par lui-même, soit en y faisant asseoir avec le consentement de la partie du peuple Romain qui ressortissoit à ce trône-là, une autre personne. Il paroît que ce droit dût être réciproque entre les deux empires.

Néanmoins cette réciprocité n’eut point de lieu. Le peuple de l’empire d’Orient se mit en droit de disposer à son bon plaisir du trône de Constantinople, quand il venoit à vaquer, et d’installer en ce cas-là un nouvel empereur, sans demander ni le consentement ni l’agrément du prince, qui étoit pour le tems empereur d’Occident ; au lieu que le peuple de l’empire d’Occident observa toujours, lorsque le trône de Rome devenoit vacant, de ne point le remplir sans le consentement demandé, du moins présumé, de l’empereur d’Orient. Ou bien les Romains d’Occident attendoient alors, la décision de l’empereur d’Orient, ou si les conjonctures les obligeoient à la prévenir, ils demandoient du moins à ce prince la confirmation du choix qu’ils avoient fait.