Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/530

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une nation étrangere. En premier lieu, je réponds qu’Egidius avoit mérité, et qu’il paroît avoir eu, toute la confiance de l’empereur Majorien. En second lieu, la couronne que les Francs mettoient sur la tête d’Egidius, ne le rendoit guéres plus puissant qu’il l’étoit déja. Cette couronne n’étoit point alors rien d’approchant de la couronne de France : ni même de la plus petite des couronnes qui sont aujourd’hui dans la societé des nations. D’ailleurs, supposé que véritablement ces Francs lui ayent donné le titre de roi, je ne crois point qu’il l’ait jamais voulu prendre. Premierement, le peuple qui l’avoit proclamé roi, étoit, comme nous le verrons dans la suite, peu nombreux. Le territoire dont il étoit maître étoit peu considérable, tant par sa petite étenduë, que par l’état où il étoit encore alors. Quel pays occupoit la tribu des Francs sur laquelle regnoit Childéric ? La cité de Tournay et quelques contrées sur les bords du Vahal. Nous avons exposé déja combien il s’en falloit que ce pays-là ne fût alors peuplé et cultivé ainsi qu’il l’est aujourd’hui. Secondement, le titre de roi ne devoit guéres honorer dans ce tems-là, un homme comme Egidius, qui en vertu de la dignité dont il étoit revêtu commandoit tous les jours à plusieurs rois.

Ce titre ne supposoit point alors comme il le suppose aujourd’hui, une indépendance entiere de celui qui le porte. Les Romains étoient accoutumés depuis long-tems à compter des rois parmi les sujets de l’empire. Velleius Paterculus qui écrivoit sous le regne de Tibere et dans un tems où il y avoit un si grand nombre de rois en Asie, dit que parmi ces princes il n’y avoit plus que le roi des Parthes qui jouît de l’indépendance.

Le titre de roi si grand et si auguste aujourd’hui, n’étoit donc point alors aussi respectable relativement aux autres titres des souverains. Qui fait d’ailleurs la noblesse et l’éminence d’un titre ? Deux choses. Le petit nombre de ceux qui le portent, et le pouvoir qui s’y trouve ordinairement attaché. Or dans le cinquiéme siécle il y avoit en Europe des rois sans nombre, parce qu’on y donnoit le titre de roi à tous les chefs suprêmes des nations barbares, et même aux chefs des differens essains de ces nations que l’envie de changer leur fortune contre une meilleure, faisoit entrer au service de l’empire, souvent malgré lui. Procope dit en parlant de Theodoric roi des Ostro-