Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/122

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troupes de frontieres, étoient nés dans les Gaules, dans l’Illyrie, dans la Germanie, dans l’Espagne, et dans d’autres provinces où leurs peres tenoient des bénefices militaires, et le plus grand nombre d’entr’eux n’avoit jamais vû, ni le Tibre, ni le Capitole. Nous avons remarqué dès le premier livre de cet ouvrage, que depuis Caracalla tous les citoyens des Etats soumis à l’empire, joüissoient du droit de bourgeoisie romaine, et qu’ils pouvoient par conséquent entrer dans les légions. D’ailleurs le nom de Rome avoit cessé à la fin du cinquiéme siecle, d’être un nom si respectable. Rome autrefois la reine du monde, n’étoit plus qu’une ville conquise et assujettie par les Ostrogots. Est-il donc si surprenant après ce qui vient d’être exposé, que les troupes Romaines qui servoient dans les Gaules en l’année quatre cens quatre-vingt-dix-sept, et dont les soldats nés la plûpart dans cette heureuse contrée, ne vouloient ni quitter leur profession, ni abandonner les établissemens qu’ils avoient dans leur patrie, ayent prêté à un prince victorieux un serment qui ne faisoit encore que les attacher à lui un peu plus étroitement qu’ils ne l’avoient été jusques-là. On a vû encore dans notre premier livre que long-tems avant Clovis les troupes Romaines qui étoient destinées à la deffense des Gaules, et dont les quartiers étoient dans ce pays-là, avoient déja la réputation d’être peu affectionnées au Capitole, et de chercher les occasions de se cantonner.

En effet, et c’est ma troisiéme réflexion, long-tems avant Clovis, et quand la monarchie Romaine étoit encore très-florissante, des légions du nombre de celles qui servoient dans les Gaules, ont prêté serment de fidelité à une puissance qui s’élevoit, je ne dis pas contre l’empereur regnant, mais contre l’empire. Durant la guerre que Civilis fit à l’empire sous le regne de Vespasien, plusieurs légions Romaines prêterent le serment militaire à l’empire des Gaules ; vain titre qu’une bande de rebelles attroupés donnoit à son phantôme de monarchie. Mais sans nous engager davantage dans ces discussions, citons deux exemples qui seuls rendroient très-croyable le fait dont il s’agit d’établir la vraisemblance.

Procope rapporte que lorsque Théodoric roi des Ostrogots se fût rendu maître de Rome, il y conserva les cohortes qui ser-