Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/121

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montagnes et aux autres bornes naturelles, capables par elles-mêmes d’arrêter les progrès d’un vainqueur. Quoiqu’il en ait été, il sera toujours certain que l’abbaye du Moustiers-Saint-Jean étoit du moins voisine de la frontiere des Francs. Ainsi elle pouvoit très-bien tenir des terres et d’autres possessions dans les pays de l’obéïssance de Clovis. On sçait d’ailleurs qu’une abbaye bâtie sur les liziéres d’un Etat, a presque autant de besoin de la protection du prince avec le territoire de qui elle confine, que de celle du souverain du lieu où elle est assise.

Après avoir constaté la date de la réduction des Armoriques et des troupes Romaines à l’obéissance de Clovis, il me reste encore à faire deux observations sur ces évenemens. La premiere, sera pour en montrer la vraisemblance : et la seconde, pour rendre raison de la correction qu’on fait ordinairement dans le texte de Procope, en y lisant les Armoriques, au lieu des Arboriques.

Quant à l’union des Armoriques avec les Francs, je me flatte qu’après avoir fait quelques réflexions sur l’histoire de la confédération Maritime, on trouvera probable que les peuples qui étoient entrés dans cette ligue, se soient enfin unis avec les Francs dans les circonstances où l’on a vû que les uns et les autres ils associerent leurs fortunes. On pourra peut-être avoir plus de peine à concevoir que des troupes Romaines ayent pû se résoudre à passer au service d’un roi barbare. Les trois réflexions que je vais faire à ce sujet, rendront l’évenement très-vraisemblable.

Clovis étoit véritablement un roi barbare ; mais quoiqu’il n’eût point encore été fait consul, il ne laissoit point d’avoir déja une commission de l’empire, telle qu’elle pût être. Ainsi l’on peut conjecturer que les troupes Romaines qui gardoient la Loire, lui auront prêté serment en cette qualité.

En second lieu, les troupes Romaines qui servoient dans les Gaules durant le cinquiéme siecle, n’étoient pas des légions composées de citoyens nés au-delà des Alpes, ni de soldats élevés à l’ombre du Capitole, dans le sein des pénates de la république, et qui lui fussent aussi dévoués que l’étoient les légionaires, qui durant les sept premiers siecles de l’Etat, fondé par Romulus, avoient porté les armes pour son service, et qui presque tous avoient leurs domiciles dans les environs de Rome ou même dans Rome. La plûpart des soldats des troupes qui servoient encore sous ses enseignes ; et principalement ceux des