Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/182

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que cette entrevûë fut même le fruit des négociations que le roi des Ostrogots avoit faites, pour empêcher que le roi des Francs osât attaquer le roi des Visigots.

Gregoire de Tours après avoir fini tout ce qu’il avoit à dire au sujet de l’obstination avec laquelle Gondebaud refusoit toujours d’abjurer publiquement l’arianisme, ajoute ce qui suit concernant cette entrevûë d’Alaric et de Clovis. » Alaric voyant que Clovis soumettoit chaque jour quelque Peuple à son obéissance, il lui fit dire par des Ambassadeurs qu’il lui envoya : Si mon frere l’avoit pour agréable, nous nous aboucherions. Clovis accepta cette proposition, & il se rendit dans l’Isle appellée d’Entre-les-Ponts & que la Loire forme vis-à vis d’Amboise, lieu de la Cité de Tours[1]. Là, les deux Rois confererent ensemble, & aprés avoir mangé l’un avec l’autre, ils se séparerent en se promettant d’entretenir la paix & de vivre en bonne intelligence[2]. » Voilà tout ce que dit Gregoire de Tours concernant cette entrevûë, dont les historiens venus après lui ont rapporté plusieurs particularités démenties d’avance par son récit. Telles sont les embuches dressées à Clovis par Alaric. Je ne ferai donc aucune mention de tous ces détails qui paroissent des faits inventés à plaisir pour justifier la guerre que Clovis fit aux Visigots trois ou quatre années après l’entrevûë d’Amboise. J’ajouterai seulement une observation à tout ce que je viens de dire au sujet de cet évenement : c’est qu’il paroît par ce que fait dire Gregoire De Tours au roi des Visigots quand il propose un abouchement à Clovis, si mon frere l’avoit pour agréable, que dès-lors les têtes couronnées se traitoient de freres, comme elles le pratiquent encore aujourd’hui, quoiqu’elles ne fussent point freres ni par le sang ni par alliance. En effet Alaric n’étoit pas même parent de Clovis. Il est vrai qu’Alaric étoit allié de Clovis, mais s’il eût voulu donner à Clovis par tendresse, le nom qu’il devoit donner à ce prince comme au frere de sa belle-mere ; il l’auroit appellé non pas mon frere, mais mon oncle. Alaric avoit épousé Theodégote fille de Theodoric et d’Audefléde sœur de Clovis.

  1. Val. in Addendis ad pag.291. tom. pr.
  2. Ror. Gelt. Fr. lib. 4.