Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/181

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qu’Euric a construit, vient une fois à être renversé, la Puissance qui se sera accruë de ses débris, ne manquera point de vous faire la guerre. Voilà les motifs qui nous ont fait vous écrire cette Lettre qui vous sera renduë par Tel & Tel, qui ont commission de vous dire encore de vive voix plusieurs choses ausquelles vous ajouterez foi en vertu de leur créance. Entrez donc dans les mesures que nous avons prises pour assurer le repos de la societé des Nations, & prenez part à ce qui se passe chez vos voisins, afin de n’avoir point la guerre chez vous. »

Quel dommage que Theodoric n’ait point écrit dans ses dépêches tout ce qu’il chargeoit ses ambassadeurs de dire de bouche aux princes auprès desquels ils avoient charge de se rendre. Nous sçaurions par-là bien des particularités de l’histoire de l’établissement de la monarchie françoise, que nous ignorerons toujours. Mais avec quelque réserve que ces dépêches soient écrites, on voit bien que Clovis étoit en Europe dans le commencement du sixiéme siecle, ce qu’y étoit l’empereur Charles-Quint au commencement du seiziéme. Quant à la date de ces lettres, je les crois écrites vers l’année cinq cens deux, et avant l’entrevûë de Clovis et d’Alaric, de laquelle nous allons parler. Je sçais bien que quelques auteurs modernes ont cru qu’elles avoient été écrites immédiatement avant la guerre des Francs contre les Visigots commencée en cinq cens sept, mais j’ai deux raisons pour ne pas suivre leur opinion, qu’ils n’appuyent d’aucune preuve. La premiere est que ce qui s’y trouve concernant l’âge où Clovis étoit encore, lorsqu’elles furent écrites, porte à avancer leur date, autant qu’il est possible de l’avancer ; car ce prince avoit déja trente-cinq ou trente-six ans en cinq cens deux. La seconde, est que Theodoric étoit sur ses gardes contre les Francs, lorsqu’il écrivit les lettres que nous venons de rapporter. Il éclairoit alors de près les démarches de Clovis. Or quand la guerre de cinq cens sept commença, Theodoric rassuré par l’entrevûë et par la réconciliation apparente d’Alaric et de Clovis, ne s’attendoit plus à une rupture entre ces princes. Il fut si bien surpris lorsqu’elle éclata, qu’il ne put point, comme on le verra, faire marcher l’armée qui devoit secourir son gendre, assez-tôt, pour qu’elle joignît les Visigots avant qu’ils eussent été forcés à livrer bataille à l’armée des Francs.

Je crois donc que les dépêches de Theodoric, dont il est ici question, sont antérieures à l’entrevûë d’Alaric et de Clovis, et