Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/21

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recherche, on vous prend pour médiateur, pour juge, l’on en passe par votre avis, & l’on s’en tient à vos décisions. Quoique ces Peuples grossiers connoissent aussi peu les Arts qui forment l’esprit, que ceux qui dénouent le corps, vous ne laissez point en vous faisant admirer, de leur insinuer des sentimens de vénération pour la Nation Romaine ? Que peuvent-ils en effet penser de nous, quand c’est un Romain qui leur apprend à parler correctement leur propre langue. Je finis. Continuez à vous faire aimer & par eux & par nous. Continuez d’employer vos heures perduës à la lecture de nos bons Auteurs, afin de ne point vous exposer aux inconvéniens qui vous arriveroient, si vous alliez oublier votre langue naturelle ; mais aussi entretenez-vous toujours dans l’usage de la langue Germanique, afin d’en faire mieux accroire dans l’occasion. »

Avant que de faire mes observations sur cette lettre, il ne sera point hors de propos de dire que nous avons encore deux autres épîtres de Sidonius adressées à ce Syagrius, que toutes les convenances veulent être le même Romain contre qui Clovis eut affaire. Dans la premiere de ces deux épîtres, Sidonius recommande à Syagrius un citoyen distingué, nommé Projectus, qui vouloit épouser une fille de famille, et qui se trouvoit sous la dépendance de ce Syagrius, lequel étoit à la fois son patron et son tuteur. Dans la seconde de nos épîtres, Sidonius reproche à Syagrius un trop long séjour à la campagne, et il lui parle toujours comme à un homme de grande considération. Il l’appelle la fleur de la jeunesse des Gaules, il lui dit que la patrie attend de lui des services, et il le fait souvenir que ses ancêtres ont rempli les plus grandes dignités de l’Etat. Si la suscription de ces lettres Sidonius, Syagrio suo salutem, paroît un peu familiere, qu’on songe à l’usage des Romains, et qu’on pense que Sidonius étoit lui-même un homme de très-grande considération, et qu’il use de la même formule en écrivant à Riothame, qui avoit actuellement un commandement considérable. La lettre que Sidonius lui écrivit alors, a été rapportée ci-dessus. Il est donc faux qu’il y ait dans les lettres écrites par Sidonius à Syagrius, et qui ont été écrites en des tems differens, rien qui montre que ce Syagrius ne soit pas le Syagrius fils d’Egidius.