Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/22

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La fin de la lettre dont nous venons de donner la traduction et à laquelle je reviens, ne paroît qu’un badinage ; mais elle pouvoit bien renfermer un sens très-sérieux, et avoir rapport à quelque projet important que les Romains méditoient alors, pour chasser des Gaules toutes les nations barbares, en armant les unes contre les autres.

Comme les Bourguignons tenoient la cité de Langres, leurs quartiers touchoient à celle de Troyes, et ils s’avoisinoient du moins assez de la cité de Soissons où Syagrius faisoit sa résidence ordinaire, pour que ces barbares y vinssent le consulter ; mais comme Sidonius parle d’abord des Germains en général, on peut bien croire que les Francs du Tournaisis et ceux du Cambrésis étoient aussi du nombre des barbares qui prenoient Syagrius pour conciliateur et pour arbitre. On doit même le penser d’autant plus volontiers que son pere Egidius avoit gouverné durant un tems les sujets de Childéric devenus depuis ceux de Clovis. Les Etats de ce prince qui pouvoit bien tenir quelque canton du Vermandois, s’approchoient par conséquent de bien près des Etats de Syagrius, s’ils n’y confinoient pas. Il ne faut point croire que les rois barbares, quand ils avoient occupé une cité, respectassent beaucoup les bornes légales que les empereurs Romains avoient prescrites à son territoire, et que les convenances ne les portassent point souvent à envahir quelque canton des cités limitrophes. Childéric avoit bien pû non-seulement s’emparer de la partie du Vermandois qui est à la droite de la Somme, mais engager encore la tribu des Francs établie dans le Cambrésis, à lui céder une portion du Cambrésis, moyennant quelque compensation. Ainsi les sujets de Clovis n’avoient point un grand chemin à faire, lorsqu’ils vouloient aller porter leurs contestations devant Syagrius ; et ils y auront été d’autant plus volontiers, qu’outre qu’ils avoient été gouvernés autrefois par Egidius pere de ce Romain, leur roi sortoit à peine de l’enfance. Les hommes ne sont point prévenus en faveur des juges d’un pareil âge. Or Clovis ne pouvoit point avoir plus de seize ou dix-sept ans lorsque Sidonius écrivit la lettre que nous venons de rapporter. Ce prince qui, suivant Gregoire de Tours, avoit quarante-cinq ans lorsqu’il mourut en cinq cens onze, ne devoit pas avoir, comme on l’a vû, plus de quinze ans lorsqu’il succéda en quatre cens quatre-vingt-un à Childéric ; d’un autre côté, il faut que la lettre de Sidonius ait été écrite au plus tard en quatre cens quatre-vingt-deux ; Sidonius mourut cette année-là.