Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/25

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devenuës plus difficiles à partager, principalement entre les héritiers en ligne collatérale. Enfin la loi des Francs et celle des Bourguignons, qui jusques-là avoient été comme les autres nations germaniques, des peuples parmi lesquels chaque particulier étoit son propre artisan dans la plûpart de ses besoins, et faisoit valoir lui-même son champ, ne pourvoyoit pas aux contestations qui, depuis que les uns et les autres ils s’étoient établis dans les Gaules, devoient y naître chaque jour, soit touchant le salaire des ouvriers de profession, et les honoraires dûs à ceux qui exerçoient les arts liberaux, quand on s’étoit servi de leur ministere, soit enfin concernant l’exécution des baux de quelque nature qu’ils fussent.

Ainsi le jurisconsulte Romain versé dans une loi qui statuoit sensément sur les contestations qui pouvoient s’émouvoir concernant toutes ces matieres, étoit un homme cher, un homme respectable pour tous nos barbares, principalement quand il pouvoit leur expliquer en leur propre langue les motifs de ses décisions, et leur en faire sentir toute l’équité. Il étoit pour eux un homme aussi admirable que l’a été pour les Chinois le premier astronome européen, qu’ils ont vû prédire les éclipses avec précision, et faire sur des principes démontrés, des calendriers justes et comprenans plusieurs années. Enfin un Romain tel que le jurisconsulte dont je parle, devoit faire souhaiter à nos barbares, d’être toujours conduits par un roi aussi juste et aussi éclairé que lui. Voilà en partie pourquoi les Francs Saliens avoient après la destitution de Childéric, choisi Egidius pour les gouverner.

Qui sçait si comme nous l’avons insinué déja, le dessein de ceux des Romains des Gaules, qui étoient bien intentionnés pour le Capitole, et qui ne désesperoient pas encore de sa destinée, n’étoit point alors de détacher les personnes d’entr’eux qui étoient les plus capables de s’acquerir l’amitié et la confiance des barbares pour la gagner, afin qu’elles pussent les engager ensuite à s’entredétruire. C’étoit le moyen de se défaire du Visigot par le Bourguignon, du Bourguignon par le Franc, et de renvoyer ensuite ce dernier vaincu pour ainsi dire, par ses propres victoires, au-delà du Rhin. Je sçai bien que les Romains du cinquiéme siécle de l’ère chrétienne, étoient bien inférieurs en courage et en prudence, aux Romains du cinquiéme siecle de l’ère de la fondation de Rome. Mais nous voyons par l’histoire, et la raison veut que cela fût ainsi, qu’il y avoit encore dans les