Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/26

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Gaules à la fin du cinquiéme siecle de l’ère chrétienne plusieurs Romains capables d’affaires, et hommes de résolution. Auront-ils vû patiemment leur patrie en proye à des barbares, hérétiques ou payens, à qui la mauvaise administration des empereurs avoit donné le moyen d’y entrer, et le loisir de s’y cantonner ?

Comme il étoit évident que la paix ne seroit jamais solidement rétablie dans les Gaules, tant qu’il y auroit plus d’un souverain, tous nos Romains n’auront-ils pas songé aux moyens propres à faire passer leur pays sous la domination d’un seul maître. Si quelques Romains, comme Arvandus et comme Séronatus, ont cru que pour parvenir à ce but, il falloit livrer à Euric la partie des Gaules qui obéïssoit encore aux empereurs, d’autres Romains meilleurs compatriotes, auront pensé que l’expédient le plus sûr pour rétablir la paix dans les Gaules, étoit d’en chasser les barbares par le moyen des barbares mêmes. Le projet aura semblé possible à ces bons citoyens, qui auront fait toute sorte de tentatives pour l’exécuter. Il est vrai que les barbares demeurerent à la fin les maîtres des Gaules, mais cela prouve seulement que les menées, dont je parle, ne réussirent point, et non pas qu’elles n’ayent point été tramées, et que Sidonius n’entende point parler à la fin de sa lettre à Syagrius de quelque projet de pareille nature ; parce que depuis plus de deux cens trente années, divers peuples barbares ont toujours été successivement les maîtres des plus belles provinces de l’Italie, et le sont encore aujourd’hui : s’ensuit-il que ses habitans naturels dont j’emprunte ici les expressions, n’ayent point tâché de se défaire d’une nation étrangere par l’épée d’une autre, toutes les fois qu’ils ont cru les conjonctures favorables au projet de se délivrer de toutes ces nations ?

Je reviens à Clovis. Il dût craindre que s’il donnoit à Syagrius le loisir de s’accréditer davantage, ce Romain n’abusât de l’autorité qu’il s’acquéroit sur l’esprit des Saliens pour les engager à destituer leur roi. Il étoit naturel que le fils de Childéric craignît qu’on ne mît à sa place le fils d’Egidius, comme on avoit mis Egidius à la place de Childéric. Peut-être aussi la querelle vint-elle de ce que Syagrius se sera prétendu indépendant dans son gouvernement, et qu’il n’aura point voulu reconnoître Clovis comme maître de la milice romaine. Quoiqu’il en soit de cette derniere conjecture, la crainte des menées de Syagrius, et l’envie de s’aggrandir étoient des motifs suffisans pour déterminer un prince de vingt ans, c’est l’âge que pouvoit avoir Clovis la cin-