Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/290

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Roi qui n’avoir que la moitié d’un Royaume, ne devoit point être autrement servie. Ce trait & plusieurs autres semblables firent prendre enfin à Hermanfroy la résolution de se défaire du frere qui lui restoit. Pour l’exécuter plus sûrement, il fit proposer à Thierry une ligue offensive contre Badéric. Les conditions qu’Hermanfroy faisoit offrir, étoient, qu’après qu’on se seroit défait de Badéric, on partageroit par égales portions les Etats de ce prince. Le Roi des Francs agréa le Traité proposé, & s’écant mis à la tête de son armée, il joignit Hermanfroy. Les deux Alliés, après avoir juré l’observation du Traité conclu en leur nom, marcherent aussi-tôt contre Baderic, qui fut défait & tué dans une Action de guerre. Thierri revint aussi-tôt dans ses Etats, comptant qu’Hermanfroy, dès qu’il seroit tranquille possesseur du Royaume des Turingiens, lui en livreroit la moitié. Mais Hermanfroy aussi méchant allié que mauvais frere, ne vit pas plûtôt les Francs éloignés, qu’il ne voulut plus entendre parler de l’accomplissement de les promesses. Cette perfidie alluma une haine violente entre nos deux Princes. »

Nous insererons ici à ce sujet, une réflexion dont il est à propos de rappeller de tems en tems le souvenir en lisant l’histoire du sixiéme siecle, et celle des siecles suivans. C’est que la guerre ne se faisoit point alors entre les barbares avec des troupes réglées, comme elle se fait aujourd’hui entre nos princes. Si cela eut été, les choses ne se seroient point passées comme on vient de voir qu’elles se passerent. Thierri seroit resté dans le pays conquis jusques à ce que la portion qu’il en devoit avoir, eût été reglée, supposé qu’elle ne le fût point déja par le traité ; et il s’en seroit mis incontinent en possession. Mais comme nos rois n’avoient alors qu’un petit nombre de troupes soudoyées, et que le gros de leurs armées étoit composé de cette espece de troupes, que nous appellons des milices, le camp de Thierry qu’Hermanfroy amusoit de belles paroles, se sera séparé, dès qu’il aura vû la guerre terminée. à quelque tems de-là Hermanfroy qui avoit pris ses mesures avec les sujets de son frere, aura déclaré que les Turingiens, dont il n’étoit pas le maître, ne vouloient point absolument que leur royaume fût démembré, et qu’il lui étoit impossible, quelqu’envie qu’il eût d’accomplir ses traités, d’en remettre aucune province au roi des Francs. Thierri qui avoit été assez fort pour battre étant joint avec la moitié des Turingiens, l’autre moitié de cette nation, n’aura