Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/300

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vingt-quatre heures les troupes qui gardoient les cols, & il donna ce tems-là aux ennemis pour le sauver. Cependant il y eut plusieurs d’entr’eux qui ne purent point profiter de la complaisance de Theudisclus, & qui furent passés au fil de l’épée par les Visigots. »

Ainsi l’on voit bien que le seul reproche qu’on puisse faire ici à Procope, c’est de s’être énoncé de maniere que son lecteur pût penser que tout ce qu’il dit du succès des Francs contre les Visigots, et de la retraite de ces derniers auprès de Theudis, fut arrivé en une seule année, c’est-à-dire, en cinq cens trente et un. Je ne ferai point d’excuse de cette digression, bien qu’elle paroisse un peu étrangere à l’histoire de la conquête de la Turinge, et qu’elle roule sur une matiere à laquelle je semblois avoir promis de ne plus toucher, je veux dire, sur la question : quels étoient les pays que les Visigots reprirent sur les Francs immédiatement après la mort de Clovis, et dans quel tems les Francs reconquirent ce pays-là. Mais Gregoire de Tours en racontant l’expedition de Childebert dans les Espagnes comme un évenement auquel la seconde guerre de Turinge avoit en quelque façon donné lieu, m’engageoit si naturellement à faire ma digression, que je ne pouvois m’en dispenser, d’autant plus encore qu’elle concilie la narration de Procope avec differens endroits de l’histoire de Gregoire de Tours. En effet, il résulte de tout ce que j’ai ramassé dans l’historien grec, que quelques années après la mort de Théodoric roi des Ostrogots arrivée en cinq cens vingt-six, Thierri se ligua avec Clotaire, pour venger l’injure qu’Hermanfroy avoit faite à l’aîné de ces deux freres : que vers l’année cinq cens trente ils conquirent la Turinge, et que Childebert ayant crû mal-à-propos que Thierri étoit mort dans son expédition, il voulut se rendre maître de l’Auvergne ; mais qu’ayant sçû que ce prince étoit vivant, il évacua l’Auvergne pour marcher contre Amalaric, qui fut tué en cinq cens trente et un, et qu’après sa mort, la guerre qui s’étoit allumée, ou la derniere, ou la pénultiéme année de son regne, entre les Francs et les Visigots, donna lieu aux Francs de conquerir pour la seconde fois ce que les Visigots avoient repris sur les Francs immédiatement après la mort de Clovis. Or il n’y a rien dans notre exposé, très-conforme au récit de Procope, qui ne s’allie très-bien avec ce que Gregoire de Tours dit dans le troisiéme livre de son histoire, et dans les livres suivans, concernant les guerres que les Francs eurent contre les Visigots depuis la