Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/305

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voulus aussi faire valoir auprès de vous mes services dans les emplois que vous m’aviez confiés du vivant de mon pere, & vous porter à m’en donner, comme vous l’avez fait, de plus importans. Dans ce dessein je jettai les yeux sur un de mes Conseillers, qui est une personne fort intelligente, du moins à ce qu’on croit dans les Gaules, & je l’adressai à vos Ministres. Comme celui qui gouverne aujourd’hui l’Italie se vantoit d’avoir fait sa paix avec vous, & qu’il affectoit de publier que l’Orient lui avoit rendu ses bonnes graces, je crus que la personne que je vous envoyois n’avoit pas besoin d’autre passeport que de la mission même, pour traverser avec sureté cette Province du monde Romain. Néanmoins celui qui vous portoit ma lettre, & qui devoit me rapporter votre réponse, n’a pû achever son voyage, parce que Theodoric lui a fermé les passages. Jugez, grand Prince, de ce procedé. Il me semble, que c’est avoir bien peu d’égards pour un Souverain, que de ne vouloir pas que les autres lui rendent les mêmes devoirs que nous lui rendons. Ces sentimens sont bien éloignés des nôtres & de ceux de tout bon Serviteur. » Le reste de la réponse de Sigismond, qui est assez longue, ne fait que repéter en phrases differentes les assurances d’un dévouëment parfait. Je ne crois pas que les prefets du prétoire des Gaules, et les maîtres de la milice dans ce département, ayent jamais écrit aux successeurs de Constantin Le Grand en des termes plus soumis, et qui fissent mieux sentir que les lettres de ceux qui s’en servoient, étoient des lettres d’un sujet à son souverain. Au reste il est facile de deviner les motifs qui avoient engagé Theodoric, dès qu’il eut pénétré le sujet du voyage de l’envoyé de Sigismond, à fermer à ce ministre les passages de Constantinople. Théodoric croyoit qu’il étoit contre ses droits que l’empereur d’Orient conferât de son propre mouvement les dignités de l’empire d’Occident, et comme la guerre pouvoit se ralumer d’un jour à l’autre entre les Bourguignons et les Ostrogots, il ne voyoit qu’avec peine tout ce qui contribuoit à former une liaison étroite entre les Bourguignons et les Romains d’Orient.

La protection qu’Anastase pouvoit donner à Sigismond auroit peut-être empêché les Francs de lui faire la guerre ; mais cet empereur qui ne survécut Gondebaud que de deux ans, mourut en cinq cens dix-huit, et Justin son successeur, ou se soucia peu des Bourguignons, ou bien il n’eut pas dans les