Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/307

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êtes aimé tendrement de vos Sujets, que Sigéric ne sçauroit avoir formé le projet d’une usurpation, qu’il n’ait conçu en même tems le dessein d’un parricide. Sigismond fut aveuglé par les artifices que la Reine mit en œuvre pour lui faire ajouter foi à les rapports & lui-même il commit un crime qui n’étoit gueres moindre que le crime dont on lui faisoit craindre d’être la victime. Le fils tandis qu’il dormoit après le dîner fut étranglé par les ordres de son pere. Sigéric avoit à peine rendu les derniers soupirs, que Sigismond se repentit de son crime. Il se jetta sur le corps de son fils, & l’embrassant tendrement, il le mouilloit de ses larmes, comme pour lui demander pardon. On assure qu’un des vieux serviteurs de ce pere infortuné lui dit en le trouvant dans ce transport de douleur : Ne pleurez point Sigéric, il est mort innocent. C’est sur vous-même que vous devez pleurer. » Sigismond se retira quelques jours après à saint Maurice en Valais pour y faire penitence de son crime, et il y fonda un service divin célébré successivement par differens chœurs de chantres, qui se relevoient les uns les autres, de maniere que le service ne cessoit jamais, parce qu’il se faisoit toujours quelque office dans l’église. Je dirai par occasion, qu’il y avoit alors dans les Gaules plusieurs monasteres où le service divin étoit celébré sans aucune discontinuation. Le relâchement des ecclésiastiques a depuis plusieurs siecles aboli cet usage. Il paroissoit si beau au pape Sixte-Quint, dont l’ame étoit élevée et les sentimens pleins de grandeur, qu’il étoit prêt lorsqu’il mourut, à faire une fondation pareille à celle de Sigismond. Ce pape le plus noble de tous les papes des deux derniers siécles, vouloit faire édifier au milieu de l’arêne, ou de la place du Colisée, lieu du martyre d’un si grand nombre de chrétiens, une église, où les religieux de quatre couvens qu’on devoit bâtir sous les portiques et dans les autres dégagemens de ce superbe amphitheatre, auroient célébré successivement un office divin qui n’eût jamais discontinué.

Après que Sigismond eut demeuré quelque tems dans le monastere de saint Maurice, il revint à Lyon, et une fille qui lui restoit de son mariage avec Ostrogothe, épousa le roi Thierri le fils aîné de Clovis. On peut juger à quel point le roi des Ostrogots dût être aigri contre Sigismond, lorsqu’il apprit le traitement fait à Sigéric. Ainsi les Francs ne pouvoient pas prendre une conjoncture plus favorable pour attaquer le roi des Bourguignons.