Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/332

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Ils ne tinrent pas le droit chemin de Langres, dans la crainte d’être poursuivis. Lorsqu’ils furent arrivés au gué, où ils avoient compté de passer la Moselle, ils le trouverent gardé, & ils se virent ainsi contraints d’abandonner leurs chevaux & la plus grande partie de leurs hardes afin de se sauver. Le parti qu’ils prirent, fut donc celui de traverser cette riviere à la nage en s’aidant du bouclier qu’ils emportoient, & qui, comme le sont communément ceux des Barbares, étoit un simple tissu d’ozier recouvert de cuir, Dès qu’Attalus & Léon furent arrivés à l’autre bord, ils entrerent dans un bois pour y passer la nuit : là ils trouverent heureusement un prunier chargé de fruits, qui leur fut d’un grand secours, car il y avoit déja deux jours qu’ils n’avoient rien mangé. Après s’être reposés & repus, ils prirent leur chemin par la Champagne ; & précisément dans le tems qu’ils y traversoient une plaine, ils entendirent le bruit que faisoient plusieurs chevaux qui alloient un grand train & qui venoient à eux : ce bruit les obligea de se coucher par terre, afin de n’être point apperçus par les Cavaliers qui alloient passer. Il se trouva là tout-à-propos un buisson fort large & fort épais, derriere lequel nos fugitifs se mirent ventre contre terre, ayant leurs armes auprès d’eux, & bien résolus à se défendre du mieux qu’ils pourroient, s’ils étoient attaqués. Cependant les Cavaliers qui faisoient diligence, se trouverent bientôt vis-à-vis le buisson, & le hazard voulut encore que le le cheval d’un d’entr’eux pressé par un besoin qu’il est facile de deviner, s’arrêta précisément dans cet endroit-là : toute la troupe fit bride en main pour attendre celui dont le cheval s’étoit arrêté, & qui prit justement ce tems-là pour dire : Ne suis-je pas bien malheureux de ne pouvoir pas joindre nos deux coquins ; si nous les rattrappons il faudra attacher l’un au gibet & mettre l’autre en quatre quartiers. C’étoit le Maître de nos deux esclaves lui-même, qui, sans les sçavoir près de lui, expliquoit si nettement ses intentions. Il revenoit de Reims qui étoit, aussi-bien que Treves, du Partage de Thierri, & il les y avoit cherchés fort inutilement : mais le hasard les lui eût livrés si la nuit ne l’eût point empêché de les appercevoir. Aussi-tôt que la troupe qui s’étoit arrêtée eut recommencé à marcher & qu’elle fut à quelque distance du buisson, Attalus & Léon se remirent en chemin, & sur le point du jour ils entrerent dans Reims, où ils prierent la premiere personne qu’ils rencontrerent, de leur enseigner la maison de