Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/359

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les armes des Ostrogots. En faisant réflexion sur les suites de son expédition, ce Roi comprit aisément que Martias, lorsqu’il ne pourroit plus être soutenu de proche en proche, ne conserveroit pas long-tems le Pays qu’il gardoit. Vitigės craignoit encore avec raison que les Francs, après avoir conquis en quelques mois ce Pays-là, ne se livrassent à leur impétuosité naturelle, & que se trouvant tout assemblés, ils ne descendissent en Italie pour y attaquer encore les Ostrogots d’un côté, tandis que les Romains les attaqueroient de l’autre. Dans ces conjonctures, le Roi des Ostrogots assembla les principaux de la Nation pour déliberer avec eux sur le parti qu’il convenoit de prendre, & voici le discours qu’il leur tint.

» Je ne vous ai point assemblés ici, vous qui m’êtes tous attachés par les liens les plus étroits, pour avoir vos avis sur plusieurs projets de campagne, & choisir avec vous celui qui seroit le plus avantageux à la gloire de notre Nation : C’est au contraire pour voir ce que nous pouvons faire de moins mal dans les tristes conjonctures où nous sommes. Ne nous laissons pas éblouir par l’état où se trouvent actuellement nos troupes campées sous Ravenne. J’en tombe d’accord, nous voilà en état d’entrer en campagne & de faire tête aux Romains d’Orient : Mais les Francs ne feront-ils pas diversion en faveur de nos ennemis ? La Nation des Francs n’aime point les Ostrogots. Vous sçavez combien il nous a fallu répandre de sang pour arrêter les progrès, & qu’encore ce n’a été qu’à grand peine que nous lui avons résisté en des tems où nous n’avions point à combattre d’autre ennemi qu’elle. Il est donc nécessaire, si nous voulons marcher avec confiance contre les Romains, de terminer auparavant la guerre que nous avons avec la Nation des Francs, qui sans cette sage précaution uniroit bientôt ses enseignes à celles de Bélisaire. La raison naturelle apprend aux hommes qui ont le même ennemi, qu’il leur faut l’attaquer de concert. Si pour nous opposer à la jonction des Francs & des Romains, nous séparons nos forces, en les partageant en deux corps, les Francs, battront une de ces armées tandis que les Romains déferont l’autre. Par-tout nous serons vaincus. Ne vaut-il donc pas mieux céder une petite portion de nos domaines pour nous mettre en état de bien défendre l’autre, que de tout perdre en nous efforçant de tout conserver ? Ainsi mon avis est, que nous cédions aux Francs la partie des Gaules