Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/445

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& principalement ceux qu’il avoit éleves en ce rang honorable, après les avoir tirés de l’état de servitude, ainsi que ceux de ces Prélats qui étant nés dans une des Nations Barbares qui habitent les Gaules, n’avoient pas laissé de parvenir à l’Episcopat. Leur Chef étoit Heblés Archevêque de Reims, né, je ne dis point dans une famille tombée par quelque malheur dans la captivité, mais issu de parens Esclaves de père en fils depuis un tems immémorial. Il fut le principal instrument de la déposition & de l’humiliation du Prince son bienfaicteur. On peut bien appliquer à cet évenement la Prophétie de Jérémie ; nos Esclaves sont devenus nos Maîtres. Quelle reconnoissance Heblés témoignez-vous à votre Maître ? Il a fait pour vous tout ce qu’il a pû. Il vous a rendu libre. S’il ne vous a point rendu Noble, c’est qu’il est impossible de faire jamais un homme Noble d’un homme qui est né Serf. Il vous a fait Evêque, &c. »

Quant à ce passage, il est certainement applicable à la question présente, et il fortifie les raisons que nous avons rapportées pour montrer que les Francs laïques n’étoient point divisés en deux ordres dans le neuviéme siecle. En effet, il ne veut point dire que Louis Le Débonnaire n’eût pas pû faire entrer Héblés dans l’ordre des nobles. Héblés, comme archevêque de Reims, eût été membre du premier ordre, d’un ordre supérieur à celui de la noblesse, si la nation des Francs eut été divisée en plusieurs ordres. Ce passage énonce donc seulement que les citoyens nés libres, étoient qualifiés de nobles Hommes dans l’usage du monde. Noble homme, et homme né libre, ont signifié long-tems la même chose ; et comme nous pourrons le faire voir un jour, ils la signifioient encore du tems de notre roi Henri Trois. Peut-être aussi qu’Héblés n’avoit point été esclave dans la nation des Francs, mais dans la nation Saxonne ou dans une autre nation Germanique, dont les citoyens étoient divisés en plusieurs ordres. Théganus ne dit point de quelle nation étoit Héblés.

Pour ce qui regarde le passage de Gregoire De Tours, qui met de la difference entre un homme né libre et un homme illustre par la noblesse ; il paroît d’abord contredire le sentiment que Monsieur Hertius deffend, et je ne sçais pourquoi il a voulu s’en servir. Quoiqu’il en soit, il ne doit point embarasser, parce qu’au fond, il n’est applicable en aucune maniere à la question, Si la nation des Francs étoit divisée en differens ordres, ou si elle