Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/507

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Voilà ce qui aura donné lieu d’abord à la multiplicité des codes dans la monarchie. Dés qu’une fois cet usage y aura été autorisé, il aura fallu que dans la même cité on rendît la justice, non-seulement suivant deux differentes loix, mais suivant trois, suivant quatre, et même suivant cinq loix differentes. Le nombre des codes se multiplioit à mesure qu’il survenoit dans cette cité quelqu’essain d’une nation, autre que celles qui déja y habitoient. Il aura donc été nécessaire d’y administrer la justice, suivant le droit Romain, suivant la Loi Gombette, suivant la Loi Salique, suivant la Loi Ripuaire, suivant la loi des Saxons, et suivant celles des Bavarois, parce que l’usage d’y rendre la justice à chacun suivant le code de sa nation, étoit devenu une loi essentielle du droit public de la monarchie, et parce qu’il sera survenu de tems en tems dans la cité dont je parle, quelqu’essain de tous ces peuples.

Enfin, Clovis qu’on peut regarder en quelque maniere, comme le premier fondateur de la monarchie Françoise, étant mort à quarante-cinq ans, il n’a pas eu le loisir de corriger les défauts de sa monarchie. Quand on a lu l’histoire de ses successeurs, on n’est point tenté de demander pourquoi ils ne les ont pas corrigés. Outre qu’ils n’avoient point cette autorité qu’a toujours un premier fondateur ou instituteur de toute societé, ils ne furent jamais assez unis, pour former de concert un projet semblable, et ce projet ne pouvoit gueres s’exécuter par aucun d’eux en particulier.

Après tout, cette diversité de codes pouvoit bien retarder la justice, mais elle n’étoit point un obstacle tel qu’il dût empêcher qu’elle ne fût renduë à la fin. En premier lieu, les procédures tant en matiere civile qu’en matiere criminelle, se faisoient alors bien plus sommairement qu’aujourd’hui. C’étoient les parties qui défendoient leurs droits elles-mêmes. Elles n’étoient pas reçûës à plaider par avocat ni par procureur. Il paroît encore qu’avant Charlemagne, plusieurs des juges du moins, ne délivroient point par écrit les sentences qu’ils avoient renduës.

En second lieu, les inconveniens qui pouvoient naître de la multitude des codes, ne se faisoient pas sentir dans les procès entre les personnes d’une même nation, et suivant l’apparence,