Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/52

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de lui obéïr non-seulement comme à un maître de la milice, mais encore comme à un préfet du prétoire des Gaules, et de le revêtir du pouvoir civil, ainsi qu’il l’est déja du pouvoir militaire, s’il veut bien se faire catholique ? Comment l’engagerons-nous à se convertir. Obtenons de lui qu’il épouse une femme catholique, et que ses enfans soient élevés dans la religion de leur mere. Il aura fait un grand pas dans la carriere dès qu’il aura pris ces engagemens, qui seuls mettront notre religion à l’abri.

Voilà quels auront été les sentimens de ceux des Romains des Gaules qui étoient encore libres ; c’est-à-dire, des citoyens des provinces obéïssantes, et des provinces confédérées. Ils les auront communiqués aux Romains des provinces occupées par les Visigots et par les Bourguignons. Ces Romains, généralement parlant, les auront approuvés, et tous les citoyens des Gaules auront conçu l’idée que le salut de leur patrie dépendoit de la conversion de Clovis. Comme il n’y avoit point alors dans cette grande province de l’empire une puissance qui pût traiter avec Clovis au nom de tout le pays, les sénateurs de plusieurs cités lui auront communiqué leurs vûës, et proposé leur projet séparément en l’assurant que la disposition générale des esprits étoit telle, qu’ils pouvoient répondre que leurs voisins pensoient comme eux. Clovis qui avoit de l’ambition, se sera prêté à leurs vûes, et suivant les personnes avec lesquelles il aura traité, il aura promis ou plus ou moins. Il aura promis volontiers d’épouser la princesse catholique que les romains des Gaules vouloient lui donner, parce qu’ils la croyoient la plus capable de convertir un mari. Pour se les attacher encore mieux, Clovis aura donné la même parole que donna notre roi Henry IV lorsqu’il voulut après la mort de Henry III[1] engager les catholiques demeurés fideles à la couronne, de le reconnoître pour roi. Clovis aura promis de se faire instruire, et il sera entré sans avoir pris une ferme résolution d’aller jusqu’au bout, dans la route choisie par la providence pour le conduire à la véritable église. Les faits que j’ai déja rapportés, et ceux que je rapporterai dans les chapitres suivans donneront un grand air de vraisemblance aux conjectures que je viens de hazarder. On y verra trois évêques chassés de leurs siéges par les Visigots qui ne reprochoient autre chose à ces prélats, que leur attachement aux interêts de Clovis. On a déja vû Aprunculus évêque de Langres en peril de la vie, et réduit à s’exiler

  1. En 1589.