Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/55

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» Clovis qui recherchoit Clotilde, envoyoit souvent des Ministres en Bourgogne ; mais comme ils ne pouvoient point approcher de la personne de cette Princesse, il prit enfin le parti de charger un Romain nommé Aurelien, de la commission de la voir, & d’apprendre d’elle-même ses sentimens sur le dessein qu’il avoit de l’épouser. Il donna donc à cet effet l’un de ses anneaux à son Agent, pour lui tenir lieu de lettres de créance. Aurelien se déguisa en pauvre mendiant, & il s’en fut à Geneve où Clotilde & sa sœur faisoient leur résidence. Ces Princesses qui pratiquoient l’hospitalité envers les pauvres, reçurent Aurelien dans le lieu destiné pour y exercer leur charité. Tandis qu’on lui lavoit les pieds, il trouva le moyen de dire à Clotilde, sans être entendu d’autre que d’elle : Princesse, j’ai des affaires importantes à vous communiquer, si vous pouvez me donner une audience secrete. Quand elle se fut tirée à l’écart, Aurelien lui dit : Clovis Roi des Francs, m’envoye vous prier d’agréer qu’il vous demande en mariage. En même tems il presenta comme un garent certain de la mission, l’anneau de son Maître. Clotilde prit cet anneau avec joye, & après avoir donné en échange le sien, & quelques sols d’or à Aurelien, dont elle ignoroit la condition, elle lui répondit : Retournez vers votre Maître, & dites-lui que s’il veut m’épouser, il faut qu’il me fasse demander incessamment en mariage à Gondebaud, & s’il se peut l’affaire se conclue avant qu’Aridius soit de retour de Constantinople, où mon oncle l’a envoyé. Si cet Aridius revient avant que l’affaire soit terminée, il ne manquera point de la faire échouer. » Aurelien s’en revint chez lui toujours déguisé en pauvre. Son dessein étoit apparemment d’y reprendre les habits ordinaires pour se rendre ensuite à la Cour de Clovis.

Il arriva une avanture assez plaisante à cet ambassadeur, dans le tems qu’il n’étoit pas éloigné de son château, bâti sur les confins du territoire d’Orleans. Dans la route il s’étoit acosté d’un mandiant, et tandis qu’il dormoit, ce mandiant lui déroba la besace où étoient, entr’autres choses, les sols d’or que Clotilde avoit donnés, et il s’enfuit. Aurelien fut très-fâché à son réveil de se trouver ainsi dévalisé, mais comme il n’étoit pas loin de chez lui, il gagna sa maison en diligence, d’où il envoya de tous côtés ses domestiques chercher le voleur qu’il leur désigna si-bien qu’ils le reconnurent, et qu’ils l’amenerent à leur maî-