Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/54

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gogne, y eurent quelque relation avec Clotilde, & comme elle leur parut aussi sage qu’elle étoit aimable, ils firent à leur maître un rapport très-avantageux des bonnes qualités de certe Princesse. Ce rapport fit tant d’impression sur l’esprit du Roi des Francs, que peu de tems après il envoya des Ambassadeurs la demander en mariage à Gondébaud, qui l’accorda moins par inclination que par crainte. Le Roi des Bourguignons la remit donc entre les mains de ces Ambassadeurs, qui partirent sur le champ pour l’amener incessamment à son mari. Clovis fur d’abord épris de Clotilde, & il l’épousa avec une grande joye, quoiqu’il eût déja eu d’une concubine, un fils qui s’appelloit Thierri. »

On va voir par la suite même de l’histoire de Grégoire de Tours, et par ce que disent l’Abbréviateur, et l’auteur des Gestes des Francs, concernant le mariage de Clovis, qu’il ne fut point un évenement aussi simple qu’on pourroit le croire, en lisant le passage que nous venons de rapporter. Où, dira-t-on, l’Abbréviateur et l’auteur des Gestes ont-ils pris les circonstances et les détails de ce mariage qu’ils ont mis par écrit, et dont l’histoire de Grégoire de Tours ne parle point ? Je répondrai deux choses. La premiere, que ce mariage qui fut une des causes de la conversion de Clovis, et qui par consequent contribua plus à l’établissement de sa monarchie, qu’aucune des victoires de ce prince, étoit devenu par les suites qu’il avoit eues, un évenement d’une si grande importance, que la tradition a dû en conserver la mémoire plus long-tems, et plus fidélement que celle d’aucun fait d’armes. Ainsi quoiqu’on eût déja oublié bien des actions de guerres faites du tems de Mérovée et de Childéric, lorsque nos deux auteurs ont écrit, on ne pouvoit point encore avoir oublié de leurs tems, les principales circonstances du mariage de Clotilde, d’autant plus que cette princesse ayant été mise au nombre des saints, le culte qu’on lui rendoit, renouvelloit chaque année le souvenir des principaux évenemens de sa vie, et perpétuoit ainsi la tradition. En second lieu, nos deux auteurs ont pû voir bien des livres que nous n’avons plus, et un de ces livres a pû être une vie de sainte Clotilde, autre que la vie de cette sainte que nous avons aujourd’hui. Voici la narration de l’Abbréviateur.