Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/550

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Partis qui seroit jugé avoir eu le tort, à indemniser l’autre du ravage fait dans son Territoire. Ce fut ainsi que finit la guerre. »

On observera qu’il faut que ces voies de fait, ne fussent point reputées alors ce qu’elles seroient reputées aujourd’hui, je veux dire, une infraction de la paix publique et un crime d’Etat, puisque le compromis ne portoit pas que ce seroit celui qui avoit commis les premieres hostilités, qui donneroit satisfaction au lesé, mais bien celui qui seroit trouvé avoir une mauvaise cause. Il pouvoit arriver que par la sentence du roi, ou par le jugement arbitral des comtes, il fut statué qu’au fond c’étoit la cité d’Orleans et le canton de Blois qui avoient raison, et qu’ainsi ceux qui avoient fait les premieres violences reçussent une satisfaction de ceux qui avoient souffert ces premieres violences.

Il paroît en lisant avec réflexion l’histoire de ce qui s’est passé dans les Gaules, sous les empereurs Romains et sous les rois Mérovingiens, que chaque cité y croyoit avoir le droit des armes contre les autres cités, en cas de déni de justice. Cette opinion pouvoit être fondée sur ce que Rome, comme nous l’avons observé déja, ne leur avoit point imposé le joug à titre de maître, mais à titre d’allié. Les termes d’Amicitia et de Foedus, dont Rome se servoit en parlant de la sujetion de plusieurs cités des Gaules, auront fait croire à ces cités qu’elles conservoient encore quelques-uns des droits de la souveraineté, et qu’elles en pouvoient user du moins contre leurs égaux, c’est-à-dire, contre les cités voisines. Dès qu’on souffroit à quelques-unes de nos cités de s’arroger le droit d’attaquer hostilement les autres, le droit naturel donnoit à ces dernieres le pouvoir de se deffendre aussi par les armes, et la plupart du tems, on ne peut se bien deffendre qu’en attaquant. Rome qui n’avoit pas trop d’interêt à tenir unies les cités des Gaules, leur aura laissé croire ce qu’elles vouloient, et aura même toleré qu’elles agîssent quelquefois conformément à leur idée. Nous avons parlé assez au long dans notre premier livre, des guerres que les cités des Gaules faisoient les unes contre les autres, même sous le regne des premiers Césars. L’idée dont je viens de parler, et qui étoit si flateuse pour des peuples également legers et belliqueux, se sera conservée dans nos cités, malgré la conversion des gaulois à la religion chrétienne ; elle y aura subsisté même sous les rois mérovingiens. Enfin elle s’y sera perpetuée, de maniere