Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/594

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elle leve sous une seule dénomination, tout ce qu’elle veut lever sur chaque espece de denrées ou de marchandises. Il y a bien plus d’apparence que les diverses impositions si differentes de nom, et payables néanmoins par la même denrée ou marchandise, ayent été mises à differentes reprises et sous differentes dénominations dès le tems des empereurs Romains, et cela dans les occasions où il aura fallu faire quelque nouveau fond pour suppléer aux anciens épuisés, soit par les besoins de l’Etat, soit par les prodigalités du prince. Toutes les dénominations de droits dont il est fait mention dans notre chartre, ont véritablement apparence d’être de ces noms spécieux que les publicains inventoient, suivant Tacite, pour donner une couleur aux exactions. Ce qui arrive journellement dans les Etats qui subsistent aujourd’hui, a dû arriver dans l’empire Romain.

Lorsque les premiers droits sur les denrées et marchandises ont été une fois établis, s’il survient un besoin qui oblige le gouvernement à les surcharger, il n’augmente pas ordinairement l’ancien droit. Le peuple en seroit trop mortifié, parce qu’il n’espereroit pas de voir supprimer cette augmentation. Ainsi pour le consoler, on impose cette crue sous un nouveau nom, que le hasard seul lui donne la plûpart du tems, et l’on promet au peuple que le droit mis sous le nouveau nom, sera éteint dès que les conjonctures qui sont cause qu’on l’impose seront passées. Mais ces conjonctures étant passées, il survient quelquefois au gouvernement d’autres affaires, qui non-seulement ne lui permettent pas d’ôter ce second droit, mais qui l’obligent encore à en imposer un troisiéme et un quatriéme, qu’on déguise de la même maniere qu’on avoit déguisé le second. C’est ainsi que les droits sur les denrées et marchandises se multiplient et s’accumulent, de façon, que dans la même pancarte, on trouve la même denrée chargée de cinq ou six droits differens. C’est en vain que les citoyens éclairés proposent de tems en tems de simplifier les droits, et de les réduire à un droit aussi fort lui seul, que tous les autres ensemble. Il est vrai que le gouvernement ne perdroit rien par cette opération, et que le peuple y gagneroit l’avantage de n’être plus exposé à toutes les vexations que la multiplicité des droits donne lieu de lui faire. Mais un désordre qui tourne au profit des personnes en crédit, trouve toujours des défenseurs. Du moins on ne rémedie au mal, qu’a-