Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/618

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La plus grande difference qui fut dans le cinquiéme siécle entre l’habillement des Romains et celui des Barbares, consistoit, nous l’avons déja dit plusieurs fois, en ce que les Romains avoient le menton rasé, et portoient les cheveux extrêmement courts, au lieu que les autres laissoient croître leur barbe et portoient de longs cheveux. Or, dès le tems des rois de la premiere race, les citoyens Romains commençoient à porter une longue barbe et de longs cheveux. Je dis les citoyens, car il paroît par ce qui est arrivé postérieurement, que dans le douziéme siécle, il étoit encore défendu aux serfs de tout genre et de toute espece, de porter de longs cheveux, et que ce fut seulement alors, que Pierre Lombard, évêque de Paris[1], et les autres prélats qui avoient beaucoup de gens de main-morte dans leurs fiefs, obtinrent de nos rois l’abrogation de cette loi prohibitive.

Comme les ecclésiastiques envoyoient leurs serfs à la guerre, et qu’ils les donnoient pour champions, ainsi qu’on l’a pû voir, Pierre Lombard et les prélats ses contemporains avoient raison de souhaiter que ces serfs fussent semblables à l’extérieur aux personnes de condition libre.

Gregoire de Tours nous aprend donc que de son tems, c’est-à-dire, dès la fin du sixiéme siécle, il y avoit déja des Romains qui sans renoncer à leur état de Romain, portoient cependant une grande barbe et de longs cheveux, pour faire par-là leur cour aux Barbares, c’est-à-dire ici, aux Francs. Cet historien, parlant d’un saint reclus, Romain de nation comme lui, et son contemporain dit : » Le bienheureux Leobardus étoit de la Cité d’Auvergne, & né dans une famille qui véritablement n’étoit pas Sénatoriale, mais qui étoit libre depuis long-tems. Il fut toujours très-attaché au service des Rois Francs, quoiqu’il ne fût pas de ces Romains, qui pour faire leur cour aux Barbares, se laissent croître la barbe, & laissent venir leurs cheveux si longs, qu’ils leur flotent sur les épaules. Leobardus se fit toujours raser la barbe & faire les cheveux à certains jours. »

Dans le siécle suivant, les Romains, et principalement ceux qui fréquentoient la cour, continuerent à se travestir en Francs. Sandregesilus qui exerça l’emploi de duc d’Aquitaine sous Clo-

  1. Bodin, Rep. Liv. 4. ch. 6.