Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/20

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et que des officiers plus vieux que lui regarderont long-temps, avant que d’en appercevoir le motif ou le défaut. On n’acquiert point la disposition d’esprit dont je parle ; on ne l’a jamais si on ne l’a point apportée en naissant. La crainte de la mort intimide ceux qui ne s’animent point à la vûë de l’ennemi, et ceux qui s’animent trop, perdent cette présence d’esprit, si nécessaire pour voir distinctement ce qui se passe, et pour découvrir ce qu’il conviendroit de faire. Quelqu’esprit qu’ait un homme, quand il est de sang froid, il ne sçauroit être un bon general, si l’aspect de l’ennemi le rend, ou fougueux ou timide. Voilà pourquoi tant de gens, qui raisonnent si bien sur la guerre dans leur cabinet, la font si mal en campagne. Voilà pourquoi tant de gens vont à la guerre toute leur vie sans se rendre capables d’y commander. Je sçais bien que l’honneur et l’émulation font faire souvent à des hommes nez timides, les démarches et les démonstrations que font ceux qui sont nez braves. Les plus impétueux obéissent de même à ceux qui leur défendent de s’avancer où leur ardeur les porte. Mais les hommes n’ont pas le même empire