Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/19

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homme a reçû de la nature, pour faire bien et facilement certaines choses, que les autres ne sçauroient faire que très-mal, même en prenant beaucoup de peine. Nous apprenons à faire les choses pour lesquelles nous avons du génie, avec autant de facilité que nous en avons à parler notre langue naturelle. Un homme né avec le génie du commandement à la guerre, et capable de devenir un grand capitaine à l’aide de l’expérience, c’est un homme dont la conformation organique est telle que sa valeur n’ ôte rien à sa présence d’esprit, et que sa présence d’esprit n’ ôte rien à sa valeur. C’est un homme doüé d’un jugement sain, d’une imagination prompte, et qui conserve le libre usage de ces deux facultez dans ce boüillonnement de sang qui vient à la suite du froid que la premiere vûë des grands dangers jette dans le cœur humain, comme la chaleur vient à la suite du froid dans les accès de fiévre. Dans cette ardeur qui fait oublier le péril, il voit, il délibere, et il prend son parti comme s’il étoit tranquille sous sa tente. Aussi découvre-t-il d’un coup-d’œil le mauvais mouvement que fait son ennemi,