Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/26

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servent aux fonctions de l’imagination. En effet, l’extrême lassitude et l’épuisement, qui suivent une longue contention d’esprit, rendent sensible que les travaux d’imagination font une grande dissipation des forces du corps. J’ai supposé que le sang de celui qui compose s’échauffât ; car les peintres et les poëtes ne peuvent inventer de sang froid : on sçait bien qu’ils entrent en une espece d’entousiasme, lorsqu’ils produisent leurs idées. Aristote parle même d’un poëte qui ne composoit jamais mieux, que lorsque sa fureur poëtique alloit jusques à la phrenesie. Le Tasse n’enfantoit ces peintures admirables, qu’il nous a faites d’Armide et de Clorinde, qu’au prix de la disposition qu’il avoit à une démence véritable, dans laquelle il tomba avant la fin de sa vie ; Apollon a son yvresse, ainsi que Bacchus. Croïez-vous, dit Ciceron que Pacuvius composât de sang froid ? Cela ne peut être. Il faut être inspiré d’une espece de fureur, pour faire de beaux vers.