Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/30

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possede les poëtes, quand ils voïent les graces danser sur une prairie, où le commun des hommes n’apperçoit que des troupeaux. Voilà pourquoi leur veine n’est pas toûjours à leur disposition. Voilà pourquoi leur esprit semble les abandonner quelquefois, et quelquefois les tirer par l’oreille , suivant la phrase d’Horace, pour les obliger d’écrire ou de peindre. Comme nous l’exposerons plus au long dans le cours de ces refléxions, le génie doit se sentir de toutes les alterations ausquelles notre machine est si sujette par l’effet de plusieurs causes qui nous sont comme inconnuës. Heureux les peintres et les poëtes, qui ont plus d’empire sur leur génie que les autres, qui sortent de leur enthousiasme en quittant le travail, et qui n’apportent point dans la societé l’yvresse du Parnasse. L’experience prouve suffisamment que tous les hommes ne naissent pas avec un génie propre à les rendre peintres ou poëtes : nous en voïons qu’un travail continué durant plusieurs années, plûtôt avec obstination qu’avec perseverance, n’a pû élever au-dessus du rang de simples versificateurs. Nous avons vû de même des hommes d’esprit,