Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son essort ? On me dira en stile poëtique, que ce cocher couvert de haillons en lambeaux, qui gagne pauvrement sa vie, en assommant de coups de fouet deux chevaux étiques, liez à un carosse prêt à s’écrouler, seroit peut être devenu un Raphaël ou bien un Virgile, si né dans une famille honnête, il avoit reçû une éducation proportionnée à ses talens naturels. Je suis déja tombé d’accord que les hommes, qui naissent avec le génie du commandement des armées, ou bien avec le génie de tous les grands emplois, et même, si l’on veut, avec le génie de l’architecture, ne peuvent se manifester qu’ils ne soient secondez par la fortune, et servis par les conjonctures. Ainsi j’avouë que la plûpart de ces hommes passent quelquefois comme les hommes vulgaires, et qu’ils meurent sans laisser un nom qui apprenne à la posterité qu’ils ont été. Leurs talens restent enfoüis, parce que la fortune ne les déterre pas. Mais il n’en est pas de même des hommes qui naissent peintres ou poëtes, et c’est d’eux qu’il est ici question uniquement. Par rapport à ces derniers, je regarde l’arrangement des conditions diverses qui forment la