Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/49

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societé, comme une mer. Les génies médiocres sont submergez ; mais les génies puissans trouvent enfin le moïen d’aborder au rivage. Les hommes ne naissent pas ce qu’ils sont à l’ âge de trente ans. Avant que d’être massons, laboureurs, ou cordonniers, ils sont long-temps des enfans. Ils sont durant long-temps des adolescens, propres à faire encore l’apprentissage d’une profession, à laquelle ils seroient appellez par leur génie. Le temps que la nature a donné aux enfans destinez à être de grands peintres, pour faire leur apprentissage, dure jusques à vingt-cinq ans. Or le génie qui rend peintre ou poëte, prévient dès l’enfance l’asservissement de celui qui en est le dépositaire aux emplois mécaniques, et il lui fait chercher de lui-même les voïes et les moïens de s’instruire. Supposé qu’un pere soit assez dénué de toute protection, pour être hors d’état de procurer l’éducation convenable à son enfant, qui témoigne une inclination plus noble que celle de ses pareils, un autre en prend soin. Cet enfant la cherche de lui-même avec tant d’ardeur, qu’enfin le hazard la lui fournit. Quand je dis le hazard, j’entens chaque occasion prise