Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/57

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faudroit tâcher de surpasser. Ces observations nous enseignent beaucoup de choses, que notre génie ne nous auroit jamais suggerées de lui-même, ou dont il ne se seroit avisé que bien tard. On se rend propre en un jour des tours et des façons d’operer, qui coûterent aux inventeurs des années de recherche et de travail. En supposant même que notre génie auroit eu la force de nous porter un jour jusques-là, quoique la route n’eut pas été fraïée, nous n’y serions parvenus du moins, avec le seul secours de ses forces, qu’au prix d’une fatigue pareille à celle des inventeurs. Michel-Ange avoit apparemment travaillé durant long temps avant que de parvenir à peindre la majesté du pere éternel avec ce caractere de fierté divine qu’il a sçû lui donner. Peut être que Raphaël, né avec un génie, moins hardi que Le Florentin, ne seroit jamais parvenu, en volant de ses propres aîles, au sublime de cette idée. Du moins n’y seroit-il arrivé qu’après une infinité de tentatives inutiles, et au prix de grands efforts réïterez plusieurs fois. Mais Raphaël voit un moment le pere éternel peint par Michel-Ange : frappé par la noblesse de l’idée de ce puissant génie,