Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/61

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sanglante entre ses mains durant l’élevation, paroît penetré de terreur et de respect. Le peintre a très-bien conservé à chacun des assistans son caractere propre ; mais sur tout l’on voit avec plaisir le genre d’étonnement des suisses du pape, qui regardent le miracle du bas du tableau où Raphaël les a placez. C’est ainsi que ce grand artisan a sçû tirer une beauté poëtique de la necessité d’observer la coûtume, en donnant au souverain pontife sa suite ordinaire. Par une liberté poëtique, Raphaël emploïe la tête de Jules Ii pour représenter le pape, devant qui le miracle arriva. Jules regarde bien le miracle avec attention, mais il n’en paroît pas beaucoup ému. Le peintre suppose que le souverain pontife fut trop persuadé de la présence réelle, pour être surpris des évenemens les plus miraculeux qui pussent arriver sur une hostie consacrée. On ne sçauroit caracteriser le chef visible de l’église, introduit dans un semblable évenement par une expression plus noble et plus convenable. Cette expression laisse encore voir les traits du caractere particulier de Jules Ii. On reconnoît dans son portrait l’assiegeant obstiné de la Mirandole.