Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/69

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apprennent avec peine, et ils les font de mauvaise grace. Ainsi le peintre éleve, dont l’esprit s’abandonne aux idées qui ont rapport à sa profession, qui se forme plus lentement pour le commerce du monde, que les jeunes gens de son âge, que sa vivacité fait paroître étourdi, et que la distraction, qui vient de son attention continuelle à ses idées, rend gauche dans ses manieres, devient ordinairement un artisan excellent. Ses défauts mêmes sont une preuve de l’activité de son génie. Le monde n’est pour lui qu’un assemblage d’objets propres à être imitez avec des couleurs. Ce qu’il trouve de plus heroïque dans la vie de Charles-Quint, c’est que ce grand empereur ait ramassé lui-même le pinceau du Titien. Ne désabusez pas si-tôt un jeune artisan, trop prévenu sur la consideration que son art mérite, et laissez-lui croire du moins durant les premieres années de son travail, que les hommes illustres dans les arts et dans les sciences, tiennent encore aujourdhui le même rang dans le monde qu’ils y tenoient autrefois en Grece. L’experience ne le désabusera peut-être que trop-tôt.