Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/71

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où elle parviendroit dans un terroir qui lui seroit propre si spécialement, qu’il ne conviendroit point aux autres especes. Une terre aussi propre à porter des raisins qu’à porter du bled, ne rapporte ni du vin exquis ni du bled excellent. Les mêmes qualitez qui rendent une terre spécialement propre pour une certaine plante, font qu’elle ne vaut rien pour une autre plante. Quand un de ces esprits indéterminez, qui ne sont propres à tout que parce qu’ils ne sont propres à rien, est conduit sur le Parnasse par les conjonctures, il apprend les regles de la poësie, assez bien pour ne point faire des fautes grossieres. Il s’attache ordinairement à quelque auteur qu’il choisit pour son modele. Il se nourrit l’esprit des pensées de son original, et il charge sa mémoire de ses expressions. Comme les personnes dont je parle, destinées pour être la pepiniere des artisans médiocres, n’ont pas les yeux ouverts par le génie, notre imitateur ne sçauroit appercevoir dans la nature même ce qu’il y faut choisir pour l’imiter. Il ne peut les discerner que dans les copies de la nature, faites par des hommes de génie. Si cet artisan imitateur a du sens, quoique