Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/72

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né pauvre, pour ainsi dire, il subsiste honorablement du butin qu’il fait dans le patrimoine d’autrui. Il versifie si correctement, et sur tout, il rime si richement, que ses ouvrages nouveaux ne laissent pas d’avoir un certain cours dans le monde. Si leur auteur n’y passe pas pour un génie, il y passe du moins pour être bel esprit. Il est impossible, dit on, de composer de meilleurs vers à moins que d’être poëte. Qu’il évite seulement de se commettre avec le public attroupé, je veux dire de composer pour le théatre. Les vers les mieux faits, mais vuides d’invention, ou riches uniquement d’une poësie empruntée, ne veulent être produits qu’avec un grand ménagement. Il n’y a que certains réduits qui soient propres à leur servir de berceaux. Il faut qu’ils ne voïent le jour d’abord que devant certaines personnes, et que les indifferens ne les entendent qu’après avoir été informez que tels et tels les ont approuvez. La prévention que ces applaudissemens inspirent, en impose du moins durant quelque temps. Si notre artisan imitateur manque de sens, il emploïe hors de propos les traits et les expressions de son modele, et ses v