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Page:Duboscq - Extrême-Orient, 1931 - 1938, 1938.pdf/132

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à servir de trait d’union entre les hautes autorités militaires et l’empereur, en ce qui touche à la politique nationale, dont il a la responsabilité. C’est encore du gouvernement que dépendent les budgets de l’armée et de la marine.

Toutefois, l’indépendance presque complète où celles-ci sont vis-à-vis du gouvernement explique en partie leur prépondérance, en même temps que la désharmonie qui se fait jour quelquefois entre les déclarations des personnages politiques civils et les actes des autorités militaires. Mais c’est précisément là qu’il s’agit de ne pas s’illusionner sur le véritable rôle de l’armée, et s’imaginer que les militaires constituent une sorte d’État dans l’État.

Les militaires, ai-je dit, ne sont pas un parti ; j’ajoute qu’ils ne sont même pas un élément tangible de la politique japonaise. Ils sont essentiellement impersonnels. Ils n’ont rien de commun avec les militaires allemands qu’on a vu agir ces temps-ci ou avec les militaires espagnols que l’on voyait agir autrefois. Les uns et les autres se nommaient et proclamaient leurs opinions ou leurs programmes.

Les militaires japonais ne parlent généralement pas. (Le général Araki a fait exception à la règle. Je le connais. Sa nature l’y entraînait, mais, même chez lui, la parole ne fut pas l’annonce des événements qui se déroulèrent sous son ministère. Il exprima plutôt une théorie qui, pendant un temps, eut son utilité pour justifier aux yeux du monde ce qui s’accomplissait sans lui : « On veut, en Europe, me disait le vieux comte Makino, conseiller privé, que ce soient de jeunes officiers qui aient poussé à l’affaire de Mandchourie ! Mais non, c’est la nation, c’est le Japon tout entier. »

Les militaires japonais sont donc impersonnels. Ils créent une atmosphère qui enveloppe le pouvoir gouvernemental d’une façon permanente et nullement exceptionnelle ou temporaire. Parfois les influences qui émanent d’eux se font sentir plus fortement qu’à d’autres moments, mais elles ne sauraient aller à l’encontre de l’autorité suprême qui règne sur le Japon, celle de l’empereur. « Rien ne se fait, rien ne peut se faire sans l’assentiment de l’empereur »,