Page:Duboscq - Unité de l'Asie.djvu/30

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sée et des divagations de l’imagination. Il lui insuffle le sens de la norme, de l’harmonie universelle et le prédispose ainsi à l’invention que limite la raison, la seule qui ait une réelle valeur, qu’elle soit d’ordre pratique ou d’ordre abstrait, et qui profite à l’humanité.

Or, l’invention a toujours été le fait de l’homme d’élite et jamais de la masse. Le jour où l’esprit européen ne pourrait plus se manifester en ce qu’il a de plus précieux, il serait ramené au même plan que l’esprit asiatique ; il serait amputé de sa qualité propre, diminué en face d’une multitude prédisposée par ses facultés d’imitation à s’imprégner d’une civilisation qui, supprimant toute émulation, correspondrait à son état permanent de réceptivité. Cette civilisation qui serait pour l’Europe une régression n’en serait donc pas une pour l’Asie. Au reste, la civilisation chinoise ne fut-elle pas à sa manière une civilisation de masse ? Il n’y eut pas chez les premiers Chinois établis dans le bassin du Fleuve Jaune de race dominante ; c’étaient des agriculteurs formant des clans sans classe et sans castes. Leur civilisation, au lieu d’être aristocratique, fut populaire et le demeura. On est frappé lorsqu’on parcourt la Chine, du haut degré de civilisation des paysans, si l’on entend par là une expression humaine de toutes les vertus d’une terre.

D’autre part, la civilisation de masse est fille de l’égalité, ce besoin morbide qu’engendre, à notre époque, la démocratie. Les peuples de l’Asie suivent-ils la même pente ? Jusqu’à un certain point