Page:Duboscq - Unité de l'Asie.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mieux les conditions d’un programme d’entr’aide sociale sans développement individuel. Bref, l’homme de la civilisation de masse devient un être collectif.

On peut se demander si l’idéal de l’humanité est là et si les progrès d’une telle civilisation contenteront les esprits désintéressés et curieux comme il y en aura heureusement toujours, et si enfin les hommes renonceront jamais à la création d’œuvres sans utilité immédiate. « Le phénomène de la mise en exploitation du globe, se demande M. Paul Valéry, le phénomène de l’égalisation des techniques et le phénomène démocratique, qui font prévoir une deminutio capitis de l’Europe, doivent-ils être pris comme décisions absolues du destin ?[1] ».

Mais la question pour nous n’est pas là. Elle est de savoir, si vraiment le monde va vers une civilisation de masse, quelle est la position de l’Asie en face de cette éventualité et d’abord si elle y est prédisposée.

Une des différences essentielles qui existent entre l’esprit européen et l’esprit asiatique, c’est que le premier invente et que le second imite. Certains, avons-nous dit plus haut, ont qualifié l’esprit européen de « génie de composition ». N’est-ce pas assez dire quelle valeur humaine il faut lui accorder ? Le génie de composition mesure et équilibre toute chose, mais il commence par équilibrer l’homme lui-même et le met à l’abri des excès de la pen-

  1. Variété, « La crise de l’esprit », p. 32 (N. R. F.).