humaine comme aux époques où elle n’était tout
bellement que le sens exact qu’avait l’homme de sa
propre mesure. Notre temps l’a édifiée sur les ruines
du spirituel, qu’il a jugé indigne de lui, qu’il a méconnu,
quand il ne l’a pas déclaré déchu, oubliant
que le spirituel ne se laisse pas supprimer et, qu’au
surplus, il doit faire contre-poids au matériel, afin
qu’un équilibre harmonieux existe entre eux, qui
conserve à la civilisation ses vertus et sa grandeur.
Or, l’homme, étant à la fois matière et esprit, et, d’autre part, tout équilibre nécessaire, s’il est rompu, tendant à se rétablir, nous retournons, par un besoin fatal, à une norme idéale, à une raison que la raison ignore et qui est aujourd’hui ce vague sentiment d’humanité, cet internationalisme, dont nous faisons une sorte de religion. « Ayant exilé les dieux de la cité, le monde moderne cherche à les remplacer par quelque chose, il ne sait quoi, qui n’existe nulle part[1] ». Nous en arrivons à ce résultat paradoxal que rationalistes décidés, forcenés, nous vivons dans l’irrationnel ; athées, nous créons de la religion. Mais l’internationalisme, formule à la fois incomplète et trop ambitieuse, inefficace dans l’ordre humain est au spirituel une illusion, fût-elle
- ↑ Le temps de la colère, par R. Valléry-Radot, p. 7 (Grasset).
1er janvier 1740, l’abbé de Saint-Pierre avait écrit au cardinal : « Je ne suis que l’apothicaire de l’Europe ; vous êtes le médecin. N’est-ce pas au médecin à ordonner et à appliquer le remède ? » Ce remède, c’était l’elixir de cinq articles sur lesquels l’abbé, après d’autres, avait fondé son « projet de paix perpétuelle ». (Cf. Mercure de France du 1er mai 1934, art. de M. S. Gorceix intitulé : « Du nouveau sur un vieux projet de paix universelle. »)